Les aventures d'Anaïs
Il existe dans ce monde des personnes capables de vous faire voir la vie différemment. De donner à votre univers une impression de magie, de fantaisie et de bonheur.
Le personnage que vous allez découvrir donne de l'espoir et montre que la vie a beaucoup de choses à offrir.
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Embarquement vers votre imaginaire !
Anaïs et les Indiens
Il était une fois une petite fille fort charmante. Elle se nommait Anaïs. Elle était âgée de 7 ans. Elle était brune avec des yeux couleur océan. Elle était gentille, un peu naïve mais tellement attentionnée envers tous ceux qu'elle aimait.
Sa vie était remplie de petites joies : ses parents Jack et Joanne l'aimaient beaucoup. Ils entouraient leur fille des meilleures attentions. Son père lui rapportait toujours un petit quelque chose lorsqu'il rentrait du travail : un pain au chocolat, un bonbon, un joli caillou, une figurine.
Ce qui remplissait aussi de joie la petite fille était son doudou, Didi le dauphin. C'est sa grand-mère qui le lui avait donné. Sa grand-mère, Reine, était un personnage excentrique qui amusait beaucoup Anaïs. Elle était un peu étrange, un peu magicienne, un peu voyante. Il y avait aussi son grand-père Gustave. C'était un homme drôle qui était toujours prêt à faire rire sa petite fille. Ils aimaient Anaïs plus que tout au monde, d'autant plus qu'ils étaient ses seuls grands parents. Les parents de Jack étaient décédés dans un accident de voiture avant la naissance de la petite fille. Ils adoraient raconter des histoires magnifiques, remplies de magie, d'aventures et de fantaisie à Anaïs. Toutes ces visites à ses grands parents permettaient à la petite fille de faire grandir son imagination.
Cet après-midi là, Anaïs jouait dans le jardin avec Didi son doudou. Son père vint la rejoindre. Il avait un paquet dans les mains. Il le tendit à sa fille et lui dit de l'ouvrir. Anaïs était très intriguée et ne se fit pas prier pour ouvrir son présent. Il contenait une figurine de l'emblématique indienne, Sacagawea. Cette jeune femme était une héroïne pour Anaïs qui adorait la culture indienne. Sacagawea était devenue, après avoir été esclave de la tribu des Hidatsas, l'interprète de l'expédition de Lewis et Clark.
La petite fille se jeta au cou de son père et le remercia de lui avoir offert un tel cadeau et lui promit d'y faire très attention. Son père la laissa avec son nouveau jouet. Anaïs présenta Sacagawea à Didi.
" Didi, il faut dire bonjour à notre nouvelle amie, Saca" dit Anaïs.
" Bonjour Saca" fit dire Anaïs à Didi.
La petite fille éclata de rire car elle trouvait toujours drôle de faire parler son dauphin. Anaïs joua ainsi une bonne partie de l'après-midi : elle s'inventa pirate et s'engagea dans une lutte sans merci contre Barbe Verte. Ce dernier avait volé toutes les cerises du jardin. Les trois amis sortirent vainqueurs de cette bataille : ils firent jurer au pirate de ne plus revenir dans les environs.
" Anaïs, à table ma chérie" dit Joanne.
La petite fille se dirigea en courant vers la maison, Saca et Didi sous le bras. Après le repas, Anaïs prit sa douche, joua un peu et alla ensuite se coucher. Elle prit Didi et Saca dans son lit et les serra tout contre son petit coeur d'enfant. Avant de s'endormir, Anaïs fit un voeu à l'étoile du soir comme sa grand-mère lui avait dit. Ce soir là, elle fit le voeu de rencontrer de vrais indiens et de vivre une grande aventure. Parfois l'étoile du soir est encombrée par les nuages et n'entend pas les rêves enfantins, mais ce soir là, la nuit était claire et le rêve d'Anaïs allait se réaliser.
Au petit matin, Anaïs se réveilla dans une hutte. Elle était accompagnée de Didi et Saca. Elle portait une tenue indienne et avait deux tresses de chaque côté de la tête. Anaïs sortit de la tente pour essayer de voir où elle se trouvait. En sortant, elle comprit qu'elle se trouvait au coeur d'une tribu indienne et que cela avait un lien avec son voeu de la veille. La petite sourit de toutes ses dents et s'empressa de voir ce que cette journée lui réservait. Elle se dirigea vers l'enclos des chevaux car elle avait remarqué un garçon qui devait avoir son âge.
" Bonjour, je m'appelle Anaïs " dit la petite fille en souriant. Le petit garçon la regarda avec des yeux effrayés et partit en courant.
" Attends, ne pars pas, je veux juste faire connaisance avec toi" cria Anaïs tout en courant derrière le garçon qui se prit le pied dans un caillou et trébucha.
" Tout va bien ? "
" Oui je crois. Excuse-moi. J'ai cru que tu venais te moquer de moi, toi aussi. Je suis Oiseau Craintif" répondit le jeune indien en signe d'assentiment.
" Mais pourquoi voudrais-je me moquer de toi ? Je ne te connais pas encore " continua Anaïs.
" Et bien tous les autres se moquent de moi. Vois-tu, je ne sais pas dresser mon cheval Flèche d'ébène. J'ai peur de tout et ne sais pas non plus chasser : je ne supporte pas de tuer un animal. C'est pour cela que les autres sont méchants avec moi. Le seul moyen pour moi serait de faire quelque chose d'extraordinaire pour pouvoir prouver aux autres que je ne suis pas un oiseau craintif mais hélas, il faudait un miracle ".
Peut-être les anciens l'avaient-ils entendu qu'alors un grondement se fit entrendre près de la hutte du sorcier. Anaïs et Oiseau Craintif accoururent.
" Que se passe-t-il Nuit Sage ?" demanda Oiseau Craintif.
" Mon talisman a disparu. Sans celui-ci les anciens ne peuvent plus me transmettre les présages de la vie. C'est une catastrophe ! "
Le chef de la tribu vint alors.
" Il se trouve que ce n'est pas le premier objet qui disparaît. J'ai moi-même perdu mon collier sacré. D'autres objets ont disparu ces temps-ci. Si je retrouve celui qui a volé ces objets, il sera offert en sacrifice au mandoutou ! "
Le chef s'en alla, laissant pantois les deux enfants et les quelques personnes présentes.
" Qu'est ce que le mandoutou ? " demanda la petite fille à Oiseau Craintif.
Il lui répondit que c'était l'esprit qui occupait la forêt ou reposaient les corps des anciens. Nombre de légendes affreuses circulaient sur son compte. Entre mythes et légendes, le mandoutou imposait le respect. Nul n'osait défier cet esprit si vénéré. Voler réprésentait un défi.
" La voilà la solution. Il faudrait que tu retrouves le voleur. Ainsi, les autres verraient que tu es courageux " déclara toute enchantée Anaïs.
Oiseau Craintif trouva l'idée excellente. Ils décidèrent donc d'aller questionner tous ceux qui avaient perdu un objet pour trouver une piste. Ils commencèrent par aller voir Graine de Bison, un chasseur du village. Son arc avait disparu il y avait de cela quelques jours. Graine de Bison était un grand guerrier respecté de tous. Sans son arc, il était comme déboussolé. Oiseau Craintif lui demanda ce qu'il savait de cette disparition.
" Et bien, je venais de rentrer de la chasse. Je suis allé porter le gibier à Oeil de Bouillon. J'avais laissé mon arc à l'entrée de mon tipi pour pouvoir le nettoyer et aiguiser mes flèches. Quand je suis revenu, mon arc avait disparu. Il n'y avait aucune trace de pas, que ce soit d'homme ou d'animaux. Il se pourrait que ce soit un oiseau mais je n'en ai pas la certitude ".
Anaïs et Oiseau Craintif remercièrent Graine de Bison et se dirigèrent ensuite vers le tipi de Tresse de Nuit. Cette femme était la plus âgée de la tribu. Elle avait connaissance de toutes les légendes, savait soigner les maux les plus délicats et était d'une grande sagesse. Comme d'autres, Tresse de Nuit avait perdu un objet très précieux, un attrape-rêves qui protégeait l'ensemble de la tribu.
" J'étais partie m'assurer que le petit de Loup Tranquille dormait paisiblement après la forte fièvre qu'il avait eue. De retour de ma visite, je me suis aperçue que l'attrape-rêves n'était plus là. Il m'arrive parfois de le ranger dans divers endroits mais cette fois, il n'était nulle part " dit Tresse de Nuit avec un profond soupir.
Les deux enfants continuèrent leur questionnenement tout au long de la journée. Ils interrogèrent Roc Tranquille, Corbeau Hardi, Oreilles Tombantes. Ils arrivèrent à la conclusion que c'était bien un animal qui volait les objets de la tribu. Comme leur avait dit Graine de Bison, il était fort probable qu'un oiseau ait volé les Indiens. Anaïs eut alors une idée et s'empressa d'en faire part à Oiseau Craintif.
" Il faudrait que nous mettions un objet à toi en évidence près de ta hutte. Nous pourrions peut-être essayer de capturer le voleur et lui demander pourquoi il fait cela et le convaincre de rendre tous les objets volés. Qu'en dis-tu ?" s'enquit Anaïs.
" C'est une bonne idée. Mais je n'ai aucun objet de valeur qui pourrait faire l'affaire " dit Oiseau Craintif.
" Nous pourrions prendre ma poupée Saca. Comme c'est une poupée indienne, l'oiseau sera peut-être intéressé " répondit Anaïs.
Oiseau Craintif acquiesça d'un signe de tête. Les deux enfants mirent la poupée de la petite fille près de la tente d’Oiseau Craintif. Ils entrèrent dans la hutte et attendirent patiemment que quelque chose se passe. Anaïs dormait profondément quand Oiseau Craintif la réveilla. Il avait entendu du bruit. Les deux amis furent aux aguets. Ils attendaient dans l'obscurité de la nuit. Aucun bruit ne perçait l'atmosphère. Soudain, un son perçant déchira le ciel. Il glaça d'effroi Anaïs et Oiseau Craintif. Ils sortirent de la tente. Oiseau Craintif tenait son lance pierre dans ses mains. C'est alors qu'une forme perça la nuit noire : un aigle approchait à grande vitesse de la tente du jeune indien. Au moment où il allait s'emparer de la poupée, Oiseau Craintif le percuta avec son arme. L'aigle chuta non loin de l'enclos des chevaux. Les deux enfants se précipitèrent vers lui. Le majestueux oiseau était un peu assommé. Oiseau Craintif lui demanda alors :
" Tout va bien ? "
" Tu sais parler aux animaux ? " lui demanda Anaïs.
" Oui. C'est un don que j'ai reçu de ma grand-mère. Et comme tu es mon amie, je vais te faire cadeau de ce don " lui répondit le jeune garçon.
" C'est très gentil de ta part ".
Oiseau Craintif ferma les yeux, prononça une prière indienne et Anaïs ressentit une grande chaleur l'envahir. L'aigle intervint alors :
" Oui je vais bien. Mais quel lancé ! Tu as bien failli me tuer ! "
" Ce n'était pas mon intention. Mais pourquoi est-ce que tu voles tous les objets de la tribu ? " demanda Oiseau Craintif. " Ce n'est pas très gentil. En plus, si le chef te retrouve tu finiras offert en sacrifice au mandoutou ".
" Oh non pas le mandoutou. Je ne voulais pas être méchant. Mais personne ne veut jouer avec moi. Les autres animaux me fuient dès que j'arrive vers eux. Alors quand j'ai vu tous ces objets abandonnés, j'ai cru que personne ne s'en servait. Je les ai pris pour pouvoir jouer avec " dit l'aigle avec un regard triste.
" C'est tellement triste " dit Anaïs. " Il faut faire quelque chose, Oiseau Craintif ".
" Oui. Avant, j'aimerais connaître ton prénom. " demanda l'enfant.
" Je m'appelle Plume d'argent " répondit l'aigle.
Anaïs reprit alors la parole. Elle proposa à Plume d'argent de rendre tous les objets aux gens de la tribu et de s'excuser pour les soucis engendrés. Elle souffla même l'idée à Oiseau Craintif de jouer avec le jeune aigle. Ce dernier ne manqua pas, d'ailleurs, de trouver la suggestion fabuleuse. Les trois compères attendirent que le jour se lève pour aller voir le chef de la tribu. L'aigle était resté caché dans la tente d‘Oiseau Craintif.
" J'ai cru comprendre que ton amie et toi souhaitiez vous entretenir avec moi, Oiseau Craintif " dit le chef au jeune indien.
" C'est exact, Grand Chef. Voilà, nous sommes allés questionner les habitants de la tribu qui avaient perdu un objet. Anaïs et moi avons conclu que le voleur était un oiseau, d'après les dires. Nous avons alors faire le guet toute la nuit, en ayant l'idée de laisser près de la tente la poupée de mon amie. C'est ainsi que nous avons pris le coupable en flagrant délit de vol ".
Le chef était très surpris du courage des deux enfants. Il leur demanda où était le voleur afin qu'il exécute sa sentence. Anaïs intervint alors :
" Grand Chef, le voleur va se présenter à vous. Mais avant j'aimerais dire quelque chose, s'il vous plaît ".
Le chef opina de la tête pour montrer son accord.
" Voilà, il s'agit d'un jeune aigle. Il se sent bien seul car il n'a plus de famille. Son but n'était pas de causer des problèmes mais de se divertir. Il a cru que les objets étaient abandonnés, aussi les a-t-il pris pour essayer de donner un peu de joie à sa vie. Ne soyez pas dur avec lui " dit Anaïs, avec courage.
C'est alors qu’Oiseau Craintif revint dans la tente du Grand Chef, avec Plume d'argent. Le jeune aigle était posé sur le bras de l'indien, le regard plein de peur et de tristesse aussi. Les deux amis avaient avec eux, les objets qui avaient été dérobés. Oiseau Craintif les déposa aux pieds du chef. Ce dernier ne parla pas pendant un long moment, les pensées se bousculant dans sa tête sans doute. Il prit ensuite la parole :
" Jeune aigle, ce que tu as fait est grave. Voler est un défi envers le mandoutou, tu le sais, toi qui règnes en maître sur le ciel et les anciens esprits. Mais voilà que tes amis sont venus me parler. Ils m'ont dit quelle était ta solitude et j'ai pitié de toi. Je t'accorde le pardon, pour toi qui es venu rapporter les objets. Va et ne recommence pas ".
Ainsi parla le chef de la tribu. Les trois amis sortirent de la tente. Devant eux se tenait le reste des habitants. Oiseau Craintif rendit les objets volés à leur propriétaire. Un brouhaha se faisait entendre, chaque indien allant de son commentaire. Nuit Sage se leva et imposa le silence :
" Oiseau Craintif, la tribu t'est reconnaissante de ta détermination à retrouver le voleur. Tu as su faire preuve de courage et de compassion. Nous avons donc décidé de te remercier de cette bravoure. Aussi, c'est avec honneur que nous t'attribuons désormais le titre d’Oiseau Juste ".
" C'est un titre qui convient parfaitement, Nuit Sage. Fils, je suis fier de toi. Il est vrai que nous nous comprenons difficilement, surtout depuis que ta mère nous a quittés. Mais jamais je n'aurais espéré meilleure descendance. Ne change pas et tu deviendras un grand sage " dit le Grand Chef en posant une main sur l'épaule de Oiseau Juste.
Anaïs n'en revenait pas de tant de compliments à l'égard d’Oiseau Juste. Ainsi, il était le fils du Grand Chef. Elle était vraiment ravie que son ami ait réussi à obtenir le respect de tous en restant fidèle à ses principes. Le Grand Chef s'approcha d'elle et dit :
" Jeune fille, ton courage vaut celui de mon fils. Tu as aidé notre tribu et nous souhaitons aussi te remercier. Nous avons décidé de te faire indienne d'honneur de notre tribu. Tu porteras, chez nous, le titre de Rayon de Miel car tel le miel tu adoucis les esprits ".
Anaïs ne savait que dire et se contenta de hocher la tête et de sourire timidement. Œil de Bouillon proposa ensuite de faire une grande fête en l'honneur des trois amis, Anaïs, Oiseau Juste et Plume d'argent. Un grand feu fut fait, les flammes s'élançant vers le ciel. Tout le monde dansa autour du feu, les tam-tam retentissaient. Tous les indiens allaient voir les trois amis pour connaître tous les détails de l'histoire. Anaïs et Oiseau Juste riaient à gorge déployée. Plume d'Argent n'en finissait pas d'être admiré. Les festivités se poursuivirent jusqu'à tard dans la nuit. Anaïs partit vers son tipi, Didi et Saca sous le bras, n'oubliant pas de remercier au passage tous ses nouveaux amis. Oiseau Juste l'accompagna. Les deux amis s'endormirent de suite.
Le lendemain matin, Anaïs s'éveilla dans son lit. Ses deux peluches étaient à ses côtés. Elle regarda autour d'elle et se demanda où étaient passés Oiseau Juste, Plume d'Argent et tous les autres. Elle pensa alors qu'elle avait dû rêver et que la grande aventure qu'elle avait vécue n'était née que de son imagination. Elle se leva alors. Une plume virevolta dans les airs pour tomber à ses pieds. La petite fille la ramassa. Elle dit alors :
" Merci chère étoile du soir pour cette merveilleuse aventure. J'aimerais en connaître beaucoup, beaucoup, beaucoup d'autres ".
" Bonjour ma chérie. Bien dormi ? " dit Jack en ouvrant la porte de la chambre de sa fille.
" Merveilleusement bien. J'ai été dans une tribu indienne et j'ai aidé un nouvel ami et... " répondit Anaïs.
Son père la coupa et lui proposa de venir raconter toute son aventure à la table du petit déjeuner pour que sa maman puisse aussi profiter de cette incroyable épopée indienne. Anaïs fut d'accord et descendit en trombe de sa chambre afin de faire partager son histoire à ses parents.
FIN
Anaïs et les pirates
" Nous voici donc dans la cabine du Capitaine Rackham. Comme vous pouvez le voir autour de vous, de nombreux objets font référence à la navigation et à la piraterie " dit le guide. " Saurez-vous les retrouver ? "
Les visiteurs scrutaient assidûment la pièce afin de trouver ds objets de navigation. Un brouhaha, familier du guide, s'élevait du groupe. Chacun menait son enquête, tel Sherlock Holmes. Un touriste prit alors la parole :
" Sur l'étagère du fonds, il y a un compas de navigation. C'est un instrument de tracé ou de mesures composé de deux branches articulées à une extrêmité. Il est utilisé pour calculer et reporter des distances sur des cartes. Il y a aussi une boussole qui indique l'axe Nord-Sud. Il y a des cartes face à nous, avec des répliques de célèbres bateaux. Les cartes servent à se repérer, vous l'aurez compris, tandis que les miniatures servent à reproduire une bataille, à essayer de déjouer les stratégies des ennemis. Sur cette même table, il y a également un sextant et un octant : le premier permet de déterminer la position géographique et le second sert à mesurer la hauteur du soleil. Il permet ainsi de donner la latitude et donc la position du bateau. Tout cela correspond à la navigation pure. Certains servent aujourd'hui encore mais ils ont été améliorés, bien évidemment. Quant à la piraterie, il y a également des objets qui attestent de la présence de pirates, à savoir le fameux chapeau du capitaine, le sabre et le poignard ".
Le guide resta un moment interloqué, de même que les autres touristes. L'homme fut pris de timidité, ce dernier ne pensant pas provoquer un blanc général. Le guide reprit alors la parole et dit :" C'est tout à fait cela, monsieur. Il semblerait que je n'ai rien à ajouter. Chers amis, vous pouvez considérer comme exact tout ce que vient de nous citer notre compagnon " .
Anaïs regarda son grand père avec admiration. Le grand-père de la petite fille était un homme grand, d'une soixantaine d'année. Il avait une drôle de moustache, comme celles des mousquetaires. Il portait toujours des converses et était toujours enjoué. Gustave formait, avec Reine, un couple atypique et cela le rendait d'autant plus fantastique aux yeux de sa chère petite fille. Ce jour-là, il avait décidé d'emmener Anaïs visiter le bateau pirate du capitaine Rackham. Gustave adorait la navigation et tout ce qui s'y rapportait. La piraterie en faisait donc totalement partie. Anaïs et son grand-père avaient visité les cales, les deux ponts, inférieurs et supérieurs, pris les commandes du navire. Anaïs avait essayé de hisser la grand voile mais la petite fille s'était retrouvée devant plus forte qu'elle, ce qui avait fait beaucoup rire Gustave. La journée s'était déroulée ainsi jusqu'à la visite de la cabine du capitaine.
Après l'intervention de Gustave, le guide signala au groupe que la visite était terminée et qu'il les invitait à se diriger vers la boutique où de nombreux trésors les attendaient. Anaïs entraîna donc son grand-père vers l'échoppe. Quand ils entrèrent, de nombreux objets se dévoilèrent à leurs yeux. Des t-shirts à l'effigie de pirates, des sabres et des épées en plastique, de nombreux livres et beaucoup d'autres choses. Tout était source de joie pour les deux compères. Anaïs se dirigea vers les répliques de bateaux tandis que Gustave circulait entre les rayonnages de livres. Il en choisit trois : « La piraterie, entre réalité et légendes » de Jack Sparrow, « L'art de la navigation selon François Gabart » de François Gabart et « Pour parler, quand les innocents prennent les armes » de Mary Read. Il chercha ensuite sa petite fille. Quand il la trouva, il dit :
" Alors ma chérie, as tu trouvé ton bonheur ? "
" Oui j'ai trouvé ce coffre fort. Je pourrais le décorer et m'en servir pour mettre toute ma décoration. Est-ce que tu veux bien me l'offrir, Grand-père ? " répondit la petite fille.
" Naturellement " lui dit Gustave en souriant.
" Oh merci " dit Anaïs.
Anaïs et son grand-père se dirigèrent donc vers la caisse. Ils payèrent leurs emplettes et sortirent ensuite de la boutique. Ils reprirent la voiture pour retourner vers la maison de Reine et Gustave.
La discussion fut animée ce soir là. Anaïs narra en détail la journée qu'elle avait passée avec Gustave. Elle raconta la visite et n'oublia pas de mentionner l'incroyable intervention de son grand-père adoré.
" Tu aurais dû voir, Grand-mère. Les gens ne disaient plus rien. Même le guide ne parlait plus ".
" Ce n'est pas si exceptionnel. J'ai juste donné quelques détails sur la navigation et la piraterie " ajouta Gustave.
-" Et bien, quelle journée vous avez vécu là tous les deux ! Maintenant ma chérie, il est temps d'aller te coucher. Il faut être en forme pour vivre de nombreuses autres aventures " répondit Reine.
Anaïs monta donc se coucher. Elle retrouva dans sa chambre, Didi et Saca. Ils les attendaient sagement sur le lit. Elle se doucha, se brossa les dents et les cheveux. Une fois dans son lit, Gustave vint la rejoindre dans sa chambre pour lui lire une histoire. Ils choisirent ensemble « Le trésor de John Smith ». C'était leur histoire préférée à tous les deux. L'histoire se déroulait au 17ème siècle. Il y avait des combats, une histoire d'amour, des morts, de la danse, de la musique et bien évidemment la recherche du trésor du célèbre pirate. Tout cela enchantait la petite fille. Gustave lut quelques pages avant de fermer le livre. Il embrassa ensuite sa petite fille et lui souhaita une bonne nuit. Anaïs attendit que les bruits de ses pas se fassent plus discrets pour se relever. Elle alla à la fenêtre, ouvrit les rideaux et dit :
" Oh Étoile du soir. Entends mon souhait. Fais-moi vivre la plus grande aventure pirate que le monde ait connu ".
L'Étoile du soir fut à nouveau à l'écoute et promit, au travers d'une lueur éclatante, de faire vivre une histoire formidable à la petite Anaïs. La petite fille se recoucha et s'endormit avec un sourire, Didi et Saca dans ses bras.
Au petit matin, Anaïs se réveilla à bord d'une chaloupe qui était échouée sur une île. Le soleil était déjà haut dans le ciel. Les vagues venaient se jeter sur le sable blanc. Les mouettes virevoltaient dans les airs, en poussant leurs cris. Anaïs, en sortant de la barque, eut un sourire aux lèvres. A nouveau, pensa-t-elle, l'étoile du soir avait entendu son vœu. Elle scruta ensuite les lieux de son regard enfantin. Il semblait n'y avoir personne. Le calme régnait, les palmiers avoisinants se dressaient fièrement vers les cieux. Soudain, un bruit sourd se fit entendre en provenance de l'horizon. La petite fille mit sa main devant ses yeux pour tenter d'apercevoir quelque chose. Elle vit alors un pavillon pirate fendre les flots d'une allure assurée. Des voiles noires flottaient dans le vent. Un drapeau pirate, flanqué d'une tête de mort, s'élevait vers le ciel. Il se rapprochait petit à petit de l'île. La petite fille recula instinctivement.
" Mais à qui appartient ce bateau ? " dit Anaïs pour elle-même. " J'espère qu'il ne va rien m'arriver de terrible ".
La réponse ne tarda pas à venir. Une horde d'enfants pirates débarqua sur l'île, les uns criant, les autres chantant et riant. Ils s’arrêtèrent net en voyant Anaïs. Le silence se fit, bientôt suivit d'un brouhaha de commentaires. Les enfants commencèrent à s'approcher. Une voix féminine s'éleva alors du bateau :
" Cela suffit mes amis. Calmez-vous ! "
Une jeune fille, un peu plus âgée qu'Anaïs s'avança vers elle. Elle devait avoir douze ans. Elle était brune, avait la couleur de l'or dans les yeux. Elle portait une tenue de pirate avec un grand manteau et un chapeau noir pour signifier son rang de capitaine. A sa ceinture, il y avait un sabre et une longue vue. Elle regarda Anaïs un long moment avant de rependre la parole :
" Qui es tu ? Et que fais tu, ici, seule ? J'espère que tu n'es pas une espionne de Barbeauvent car sinon tu devras manger tous nos brocolis ! " dit-elle
" Une espionne ? Oh non. Je ne sais même pas qui est Barbeauvent. Je m'appelle Anaïs. J'ai échoué sur cette île il y a peu de temps. Mais vous dire comment je suis arrivée est une trop longue histoire. Je viens d'un pays lointain, qui se trouve au delà de l'horizon. Mais vous voir tous est fabuleux. J'ai toujours rêvé de devenir un pirate " répondit Anaïs timidement.
" Soit. Si tu le dis. Je veux bien t'engager dans ma horde de pirates, je te présente d'ailleurs, les enfants perdus. Si tu obéis, tu seras récompensée comme les autres mais si j'apprends que tu es à la solde de Barbeauvent, tu seras jetée aux requins " ajouta la jeune fille.
Elle donna ensuite ses ordres aux enfants perdus et invita Anaïs dans sa cabine pour faire plus ample connaissance.
" Je m'excuse pour le ton que j'ai adopté mais avec les temps qui courent, je préfère être prudente. Je ne me suis d'ailleurs même pas présentée. Je m'appelle Anny Pearl et suit la capitaine du « Flying Dragon ».
" Les temps qui courent ? " dit la petite fille
" Dans quel monde est ce que tu vis ? " dit en riant Anny. " Ne sais tu pas que le capitaine Barbeauvent réclame ma capture ? C'est un pirate impitoyable. Je faisais partie de son équipage autrefois, mais j'ai poussé les enfants perdus à se mutiner. Il gardait tous les bonbons pour lui, mangeait les tartes du cuisinier tout seul et ne parlons même pas du trésor. C'en était trop pour nous qui nous battions, qui attaquions les bateaux ennemis. Nous voulions aussi nos récompenses. Alors je lui ai volé son coffre fort et je l'ai enterré dans une cachette secrète ".
" Oh quel homme méchant ! " s'exclama Anaïs. " Mais dis moi, que contient le coffre ? "
" Un trésor inestimable, autant pour Barbeauvent que pour moi " répondit la capitaine mystérieusement.
" Et vos parents, où sont-ils ? "
" Des parents ? Qu'est ce que c'est ? " demanda Anny.
Anaïs n'eut pas le temps de lui répondre : des cris se faisaient entendre de la terre. Les deux fillettes sortirent de la cabine pour voir ce qu'il se passait. Un des enfants perdus, Bob, dit alors :
" Capitaine, c'est le bateau de Barbeauvent. Il arrive droit sur nous. Nous n'avons que peu de temps avant qu'il ne débarque ".
" Moussaillons, à vos postes ! Hissez la grand voile, relevez l'ancre, et que ça saute !! " hurla Anny.
Cette dernière fit signe à Anaïs de la suivre. L'équipage ne tarda pas à remettre le bateau à flot. Anny prit la barre et engagea son pavillon vers celui de Barbeauvent. La capitaine garda une allure fière, virant tantôt à bâbord, tantôt à tribord. Anaïs restait stoïque à côté d'Anny. Elle lançait des ordres à tout va :
-" Tirez les voiles, redressez le mat, surveillez les flans ! Et ne paressez pas bande d'ignorants ! "
Bientôt, le bateau arriva à côté de celui de Barbeauvent. Commença alors une bataille mémorable, les canons s'entrechoquant contre les coques. Anny dit alors :
" A l'abordage et pas de quartier ! Et surtout, laissez moi Barbeauvent ! "
Les enfants perdus, sabre aux dents, crièrent et s'élancèrent vers l'équipage ennemi. Ils prirent les cordes des voiles et sautèrent à pieds joints sur le pont supérieur du navire de Barbeauvent. Anaïs assista médusée au combat. Elle resta d'abord sur le pont mais Anny remarqua son immobilité et lui ordonna de se cacher dans sa cabine. Les enfants perdus se retrouvèrent chacun au corps à corps avec un pirate de Barbeauvent. Ainsi Bob combattit fièrement Jambe de bois qui, selon la légende, s'était coupé lui-même la jambe et l'avait offerte à un géant pour avoir son trésor. William luttait contre les jumeaux à sonnette. On les appelait ainsi car ils ressemblaient au serpent à sonnette : ils avaient des yeux jaunes, et une langue qui sifflait. William esquivait les coups, et en assenait beaucoup d'autres. Tim et Tom, les jumeaux de l'équipage d'Anny s'amusaient à envoyer des cailloux sur la tête d'un grand colosse. Comme ils étaient très rapides, le pirate ne pouvait pas les attraper. Les autres se battaient, eux aussi, avec beaucoup de bravoure. Quant à Anny, après avoir assommé quatre pirates, elle se retrouva face à Barbeauvent.
" Nous nous retrouvons enfin, petite péronnelle ! " dit Barbeauvent avec le regard mauvais.
"En effet. Je vais vous faire mordre la poussière vieux croûton ! " répondit Anny avec insolence.
Barbeauvent grogna de frustration et avant qu'il n'ait eu le temps de faire le moindre geste, Anny attaqua violemment. Parée de son sabre, elle fonça droit sur Barbeauvent. Elle ne lui laissa aucun répit. Elle attaquait, rugissait, montrait sa force. Barbeauvent ne resta pas sans rien faire : il parait les coups de la jeune capitaine. Mais son âge ne lui permettait pas d'être aussi vif qu'Anny.
Il essaya alors de détourner son attention en disant d'un air cruel :
" Alors, Anny dis moi. Cela doit être dur de se faire pourchasser sans cesse. D'être seule, avec tous les enfants perdus. D'avoir de grandes responsabilités. Ne voudrais-tu pas revenir dans mon équipage ? Aucune réprimande ne te sera faite ".
" Jamais je ne reviendrai. Vous êtes mauvais, égoïste et vous n'avez aucune parole " répondit Anny rageusement.
Elle se rapprochait de plus en plus de Barbeauvent. Il n'allait pas tarder à tomber dans l'eau glaciale. Les autres pirates se trouvaient en difficulté face aux enfants perdus, qui étaient plus rapides et plus ingénieux. Soudain, des cris se firent entendre, au moment où Anny blessait le pirate au bras. Il tomba à terre et tandis qu'il accusait le coup, Anny tourna la tête en provenance des cris. Elle vit alors Tim et Tom se faire enlever par le colosse qui avait finalement réussi à les attraper. Il prit les rames d'une barque et engagea l'embarcation à travers les vagues. Elle fit signe à ses moussaillons de retourner sur le « Flying Dragon ». Elle eut à peine le temps de prendre une corde et de revenir sur son pavillon que déjà Barbeauvent avait reprit la barre de son navire.
Amarrés au port de la Tortue Verte, les membres du « Flying Dragon » avaient envahi la caverne du Rubis où ils avaient leurs habitudes. Ils prirent place dans l'arrière boutique, leur repère. Le tavernier vint leur servir des chocolats chauds pour les uns, des thés ou du lait pour les autres.
" Nous devons aller les chercher ! On ne doit pas les laisser ". Tous les enfants perdus s'exclamaient. Chacun allait de son commentaire quant à la façon de récupérer les jumeaux.
" Mille milliard de mille sabord, calmez-vous " hurla Anny. Le silence se fit d'un coup. Les enfants perdus écarquillèrent les yeux : jamais ils n'avaient vu Anny dans une telle colère. Elle ne souffla pas mot pendant de longues minutes et reprit d'une voix étrangement calme :
" Évidemment qu'il faut aller chercher Tim et Tom. Mais nous ne devons pas nous précipiter. Mes amis, vous connaissez Barbeauvent aussi bien que moi. Leur enlèvement n'est qu'une ruse pour nous faire aller dans son repère. Il nous faut un plan et se montrer plus futés que ce vieux pirate sans cervelle. Que chacun prenne place autour de moi, j'ai une idée ".
Anaïs s'assit à coté de Bob et écouta attentivement Anny. Son plan paraissait ingénieux jusqu'à ce que la capitaine décide qui serait l'appât.
" Moi ! " dit Anaïs " Mais je ne suis pas pirate et ..."
Anny l'interrompit et ajouta d'une voix passionnée :
" Justement. Tout l'enjeu de ce plan est là : tu n'es pas un pirate. Barbeauvent ne te connaît pas, tu auras donc plus de chance de te faufiler parmi son équipage. Il te suffit d'observer et de revenir pour que nous puissions ensuite délivrer Tim et Tom. Et puis assommer quelques vieux loups de mer ".
Les enfants perdus regardaient Anaïs avec espoir, avec respect aussi. La petite fille était un peu perdue mais elle avait toujours rêvé de devenir pirate. Aussi, elle prit son courage à deux mains et dit :
" C'est d'accord ".
"Hourra, hourra, vive Anaïs "répondirent en cœur les enfants perdus.
Anny prit à nouveau la parole :
" Avant d'aller vers le repère du Crâne sans dent, tu dois prêter serment au code de la piraterie ".
Tous les enfants perdus, ainsi que les deux petites filles firent une ronde. La voix d'Anny s'éleva :
" Anaïs, il y a 7 règles importantes dans le code de la piraterie. Je vais te les énoncer et tu répéteras ensuite la phrase que je te dirais ".
Anaïs opina de la tête et Anny poursuivit :
" 1) Un pirate doit toujours obéir à son capitaine,
2) un pirate ne doit jamais frapper un autre pirate de son équipage,
3) un pirate ne dois jamais crier sur un autre pirate de son équipage (cette règle ne s'applique pas au capitaine),
4) un pirate ne doit jamais voler un autre pirate de son équipage sinon il sera de corvée d'épluchage de patates pendant 5 mois,
5) un pirate doit toujours garder son calme (sauf en cas d'abordage),
6) chacun peut voter lors des décisions importantes,
7) quiconque fait preuve de paresse ou refuse de participer à la vie du bateau est privé de sa part de compote pendant 1 mois.
Si toutes ces règles sont claires, répète après moi : je jure de prêter serment et de respecter ce présent code ".
Anaïs répéta donc la phrase. Elle reçut alors un bandana rouge pour signifier son rang de moussaillon au sein de l'équipage d'Anny. Elle le mit dans ses cheveux à l'instar des enfants perdus. Il fut alors temps de partir vers le navire. Une grande expédition les attendait tous et on sentait la tension monter progressivement. Une fois sur le bateau, Anny intervint :
" Mes amis, mes frères, écoutez moi. Ce soir, nous allons retourner au repère du Crâne sans dent. Je me souviens comme vous de cette nuit où nous nous sommes mutinés contre Barbeauvent, où nous avons décidé de prendre notre vie en main, où nous avons défié le plus grand pirate que l'île de la Muerte ait jamais connu. Mais aujourd'hui, mes amis, c'est notre tour d'être grands. Nous ne pouvons le faire si nous ne sommes pas au complet. Tim et Tom font partie de notre grande famille. Alors mes amis, n'ayez crainte, battez vous s'il le faut. Battez vous pour votre liberté, pour votre avenir ".
Tout le monde regardait éberlué Anny. Son discours donnait de la chaleur, poussait à se surpasser. Aussi quand la capitaine acheva son monologue, elle reçut des exclamations enthousiasmées de ses moussaillons. Chacun s’affaira ensuite à sa tâche et tandis que le bateau, déjà sur les vagues, prenait de la vitesse, Anny fit signe à Anaïs de la suivre.
Elles allèrent dans la cabine de la jeune capitaine. Anny proposa un jus d'orange à Anaïs qui accepta volontiers.
" Crois tu que j'y arriverais ? Tu sais mieux que moi que Barbeauvent est quelqu'un de méchant. Si je me fais attraper, il me jettera aux requins..." dit la petite fille.
" N’aie crainte. Tu me sembles bien trop futée pour te faire prendre. Et puis nous allons te déguiser pour éviter au maximum les ennuis. Et n'oublie pas Anaïs, tu es une fille et les filles font de grandes choses. Elles ne sont que courage et détermination "lui répondit Anny fièrement.
On frappa alors à la porte. C'était Bob qui venait avertir la capitaine que leur bateau arrivait près du Crâne sans dent.
" Que la fête commence les amis " s'exclama Anny.
Anaïs, accompagnée de Bob et William, monta dans une barque. Les deux jeunes garçons prirent les rames de l'embarcation et se dirigèrent vers une entrée secrète du repère de Barbeauvent qu'eux seuls connaissaient. Petit à petit, le « Flying Dragon » se faisait flou et devenait de plus en plus invisible dans la froideur de la nuit noire. Anny pria en silence pour que tout se déroule selon leur plan. Les trois enfants accostèrent dans une crique. On entendait les rires mauvais des pirates. Anaïs descendit de la barque. Bob lui dit :
" Nous allons t'attendre ici. Nous te ramènerons ensuite au bateau. Bonne chance ".
Anaïs hocha la tête en signe de remerciement et s'engagea à pas de loup vers le repère de Barbeauvent. De nombreuses torches permettaient d'éclairer l'endroit. Aussi, Anaïs n'eut aucun mal à se repérer. Elle avançait lentement quand des voix parvinrent à elle. Elle se précipita derrière un rocher qui se trouvait à proximité. Deux pirates de Barbeauvent marchaient d'un pas assuré vers le fond du repère.
" Le spectacle promet d'être grandiose ce soir. Cela faisait longtemps qu'on avait pas fait de bûcher pour pirates. Et quels pirates : Tim et Tom ! Leur heure est enfin venue " dit l'un des deux méchants avec un rire démoniaque.
" Ah ils vont moins faire les malins ! D'autant plus qu'Anny ne s'est pas manifestée pour les sauver ! " répondit l'autre.
" Méfie-toi ! Cette petite a plus d'un tour dans son sac. Je suis certain qu'elle manigance quelque chose " ajouta le plus cruel des deux.
Anaïs n'avait pas perdu une miette de l'échange entre les deux vilains. Aussi, décida-t-elle de les suivre. Elle ne savait pas où ils se rendaient mais la petite fille eut bien vite une réponse. Dans une cellule insalubre, les jumeaux étaient enfermés. Ils avaient les mains liées par une chaîne. Malgré leur détention, ils gardaient un regard insolent qui rassura Anaïs quant à leur état d'esprit.
" Oh oh mais qui voilà : les deux petits toutous de Barbeauvent. Il vous a promis quoi cette fois-ci , un bon nonos à croquer ? " dit Tim provoquer les deux pirates.
" Ou peut-être une partie d'un trésor que vous ne verrez jamais ? " ajouta Tom.
Les deux garçons rirent à gorge déployée. Leurs blagues les faisaient beaucoup rire. Des blagues qui rendirent furieux les deux pirates :
"Assez ! "
"Vous riez maintenant mais je vous rappelle que vous êtes enfermés dans une cellule et que votre chère capitaine, Anny Pearl, ne s'est toujours pas manifestée. Alors qui rigole de qui hein ? "
Les deux pirates n'attendirent pas la réponse des deux garçons et s'éloignèrent de la cellule en riant.
Anaïs demeura interdite pendant toute la scène mais une fois les deux hommes partis, elle décida d'agir. Elle sortit de sa cachette et se dirigea vers l'endroit où étaient enfermés les jumeaux.
" Mes amis, tout va bien ? " demande Anaïs, en chuchotant, à Tim et Tom.
" Anaïs ! " s'exclamèrent les deux garçons. " Oui, nous allons bien, mais toi que fais-tu là et où sont les autres ? " ajouta Tom.
" Cela fait partie du plan d'Anny. Mais on va le modifier un peu " répondit la petite fille.
Anaïs sortit de sa poche le couteau qu'Anny lui avait donné avant de partir. Elle l'introduisit dans la serrure de la cellule. Par chance, le mécanisme était très rouillé et la petite fille n'eut donc aucun mal à ouvrir la porte.
" Trop cool " répondirent les deux garçons en sortant silencieusement.
Une fois sortis de la cellule, Anaïs les débarrassa de leurs chaînes. Elle n'eut encore une fois, aucune difficulté à leur retirer car le mécanisme était là aussi très vieux.
" Il ne faut pas perdre de temps, Bob et William nous attendent à l'extérieur du passage secret ".
Anaïs eut à peine le temps de terminer sa phrase que déjà les deux pirates de Barbeauvent revenaient chercher les prisonniers. Les deux hommes stoppèrent net en les voyant. Anaïs était pétrifiée mais Tim et Tom, qui étaient des pirates expérimentés, prirent la petite fille par le bras et s'enfuirent. Ils allaient aussi vite que leurs jambes le leur permettaient. Les deux pirates, par chance, étaient très lents et avaient bien du mal à rattraper les trois amis. Les enfants couraient, couraient... droit vers le lieu de rassemblement des pirates de Barbeauvent. Avant de se faire remarquer, ils virent une petite entrée sur la droite, une sorte de trou dans la roche, qui convenait parfaitement pour leur taille. Ils se faufilèrent dedans avant que les deux hommes du méchant capitaine ne les voient. Ceux-ci les dépassèrent. Tim, Tom et Anaïs les entendirent alors crier que les prisonniers s'étaient échappés :
" Il y a une fille avec eux. Mais elle ne fait pas partie des enfants perdus " dit l'un des deux hommes.
" Retrouvez-les et plus vite que ça " hurla Barbeauvent. " Ils vont apprendre qu'on ne se moque pas impunément de Barbeauvent " ajouta le pirate.
Tous les hommes s'élancèrent à travers le repère, sabres et poignards en main, afin de rattraper les fugitifs. 4 ou 5 hommes passèrent devant la cachette des enfants sans y prêter attention. Ces derniers attendirent que le calme revienne pour sortir de leur trou. Ils se dirigeaient vers l'entrée secrète de la crypte quand ils entendirent du bruit. Ils s'approchèrent. Quelle ne fut pas leur surprise quand ils virent leurs amis, armes aux mains, assommer des pirates de Barbeauvent qui étaient venus chercher les enfants vers la crique. Une fois tous les pirates présents assommés, Anny prit la parole :
" Anaïs, nous t'attendons depuis des heures ! "
A peine eut-elle fini sa phrase qu'elle remarqua ses deux amis. Les enfants perdus suivirent son regard et s'élancèrent vers eux avec engouement. Les exclamations allaient bon train. Seule Anny ne parlait pas. Elle scrutait Anaïs. Elle s’avança alors vers la petite fille et lui dit :
" Merci beaucoup ".
Anaïs n’en revenait pas : Anny pleurait. Elle semblait vraiment émue de ce que la petite fille avait fait pour les jumeaux. Mais bientôt, il ne fut plus temps de s’extasier du retour de Tim et Tom. Anny voulait en finir une bonne fois pour toute avec Barbeauvent. L’équipage du « Flying Dragon » se dirigea donc avec prudence vers le centre du repère, n’oubliant pas que d’autres pirates recherchaient les trois amis. Tous avançaient à pas de loup. Comme ils connaissaient le repère, ils n'eurent aucun mal à trouver un passage qui menait juste au dessus de là où se trouvait Barbeauvent. Anny fit signe à ses compagnons de ne faire aucun bruit. Elle fit des gestes qui représentaient l'attaque prochaine qu'ils allaient mener. Et alors que le capitaine se retrouvait seul, les enfants perdus et Anny et Anaïs sautèrent de leur cachette. Barbeauvent resta surpris un quart de seconde avant d'hurler.
" A moi, bande d’ignares, je me fais attaquer ! " Il n'eut pas le temps de réitérer son appel qu'Anny le faisait taire en l'assommant, aider de quelques enfants.
Les pirates de Barbeauvent arrivèrent bientôt. Ils se retrouvèrent encerclés par les enfants perdus. Anny surgit alors en brandissant son sabre et le drapeau du Flying Dragon. Elle dit :
" Ecoutez-moi bande de vauriens ! Je retiens votre capitaine prisonnier et si vous tentez quoi que ce soit, je ne donne par cher de sa peau. Je suis une pirate et tiens à rester fidèle à mes engagements. Tout le monde sait ici pourquoi votre capitaine me poursuit mais si vous tenez à le revoir vivant, il faudra nous laisser partir et ne plus jamais nous poursuivre, sans quoi je ferai appel à la confrérie des pirates ".
Les pirates de Barbeauvent ne dirent mot jusqu'à ce que le second du capitaine prenne la parole.
" Anny, nous sommes des pirates et les pirates ne font jamais de promesse. Tu devrais le savoir pourtant ". C'est alors qu'il dégaina son épée et un nouveau combat commença.
Anny s’élança vers le second du capitaine Barbeauvent tandis que les enfants perdus dégainaient leurs armes en direction des autres pirates. Les coups d'épées pleuvaient, les uns rugissaient, les autres montraient les dents. Tous se battaient férocement. Barbeauvent, quant à lui, reprenait peu à peu conscience. Il n'eut cependant pas le temps de reprendre véritablement ses esprits qu'Anaïs lui assena un coup de poignard derrière la tête. Le pirate retomba alors dans les pommes. Dans le repère, la bataille faisait rage. Mais elle fut de courte durée. Un coup de feu retentit et l'écho le dispersa à travers toute la grotte. L'ensemble s'arrêta sur le champ et chacun chercha d'où avait été tiré le coup de feu. Plusieurs personnes s'avancèrent alors. Un homme menait le groupe : il était grand, avait des cheveux longs, portaient sa barbe tressée et avait de nombreux tatouages. On l'appelait Will le Rouge. Les autres, six femmes et six hommes, étaient habillés de la même façon, seul leur manteau différait, chacun abordant un blason différent. Anaïs arriva sur ces entrefaits. Les pirates se mirent tous à genoux. Le silence régnait. Il fut perturbé par la prise de parole du grand homme. " Pirates. Il est temps que cesse votre discorde. Les pirates doivent êtres unis entre eux, lutter les uns avec les autres et non les uns contre les autres. Anny, s'il te plaît relâche Barbeauvent ".
Anny fit signe aux jumeaux d'aller chercher le capitaine ennemi. Le capitaine revint escorté de Tim et Tom. Une grosse bosse avait poussé sur sa tête. Il se massait le crâne quand il aperçut le nouveau venu. A son tour, il s'agenouilla. Will le Rouge reprit :
" Anny, Barbeauvent, écoutez moi. Il est temps pour vous de laisser vos différents de côtés. Aussi, la commission grâce à la sorcière blanche, a retrouvé votre trace. Vous devez arrêter de vous poursuivre, de vous combattre. Nous avons décidé que Barbeauvent contrôlerait les mers du sud et Anny, les mers du Nord. Est ce que cela convient à tout le monde ? "
Chacun acquiesça. Les pirates commencèrent à s'en aller mais Will le Rouge intervint une nouvelle fois :
" Une dernière chose. Anny, il nous reste quelque chose à voir. Nous savons tous que tu as pris le trésor à Barbeauvent. Mais nous savons aussi quelle valeur, il représente pour toi. Il est temps de faire la paix par rapport à cela ".
Anny ne dit rien mais sortit de sa poche une petite pochette. Elle ne prononça aucun mot. Le silence était presque religieux. Elle se dirigea vers Barbeauvent et lui tendit ce qu'elle lui avait dérobé.
" Voilà, reprends-le. Fais en ce que tu veux ! Je m'en fiche ! " dit Anny.
Barbeauvent ne dit rien mais un petit sourire mesquin marquait son visage. Will le Rouge dit alors :
" Garde-toi Barbeauvent de ce sourire qui ne te sied guère ! Jure à présent de ne plus poursuivre Anny ".
Le capitaine de la commission avait le regard grave et aucune discussion ne semblait possible. Aussi le mauvais capitaine jura de ne plus embêter Anny. Will se tourna ensuite vers Anny et s'enquit :
" Quant à toi, Anny, la prochaine fois demandes la recette du pain d'épice aux amandes au lieu de la voler à Barbeauvent. Tu sais pertinemment que le chef cuisinier du navire te l'aurait donnée sans rechigner ".
Anny ne dit rien mais avait un air bougon. Cela fit rire l'assemblée. Tout fut dit et chacun repartit vers son navire. Anaïs n'avait pas perdu une miette du spectacle. Elle était enchantée que toute cette histoire se termine ainsi. Will le Rouge et la commission embarquèrent sur un navire rouge, immense dont les voiles semblaient toucher le ciel. Il salua Anny d'un coup de chapeau. Bientôt, le navire ne fut plus qu'une tâche à l'horizon. Barbeauvent se dirigea vers Anny et dit :
" Aller, sans rancune. Tu as toujours été mon adversaire préféré. Tu es coriace comme j'aime ".
" Prends garde à ce que je ne te botte pas le derrière "répondit la jeune fille.
Barbeauvent éclata de rire et monta à son tour sur son navire. Le drapeau pirate flottait dans le vent. Il leva l'ancre et son bateau prit la direction des mers du Sud.
Anny, accompagnée d'Anaïs, rejoignit son équipage sur le pont supérieur de son navire. Elle monta à la barre. Tous la regardaient avec admiration. Elle dit :
" Mes amis. Voilà une aventure qui méritera d'être racontée. Nous avons su faire preuve de courage et de détermination. Et l'un d'entre vous plus encore ". Elle se tourna vers Anaïs.
" Tu es quelqu'un d'étonnant. Tu es la preuve que les filles sont capables de grandes choses. Ne change pas, mon amie. Je ne sais pas d'où tu viens mais en tout cas, tu feras des choses extraordinaires. Je suis heureuse de t'avoir rencontrée. Je pense que l'équipage aussi ".
Des hurlements de joie se firent entendre. Anaïs était très émue. Et tandis que le bateau prenait de la vitesse, elle embrassa chaque membre de l'équipage. Tim et Tom la remercièrent doublement de leur avoir sauvé la vie. Une jolie couleur rose teinta alors les joues de la petite fille. Une fois l'ancre posée, une grande fête eut lieu sur le « Flying Dragon ». Tout le monde dansa, chanta. La joie était au rendez-vous. Peu à peu, l'équipage s'endormit. On pouvait voir sur le visage de tous ces enfants, un sourire satisfait. Anaïs s'endormit, elle aussi. La dernière pensée qu'elle eut fut pour Anny. Elle ne la reverrait sans doute pas. Mais quelle amie elle avait été !
Au petit matin, Anaïs fut réveillée par les rayons du soleil. Ils venaient effleurer son visage d'enfant. Elle se leva et dit bonjour à ses peluches. Comme chaque matin, Didi et Saca étaient là, près d'elle. En sortant de son lit, le petit poignard qu'Anny lui avait donné tomba de sa poche. Elle le mit dans son sac, pour le mettre plus tard dans son coffret à aventures. Elle mit sa robe de chambre et descendit voir ses grands-parents. Au petit déjeuner, elle leur raconta son incroyable aventure. Gustave et Reine étaient ravis que leur cher ange ait autant d'imagination. Vers 11h, les parents d'Anaïs vinrent chercher leur fille. Elle leur raconta à eux aussi sa formidable histoire à bord du Flying Dragon. Quand ils arrivèrent chez eux, ils virent un camion de déménagement garée devant la maison voisine. Des nouveaux voisins s'installaient. Deux adultes et deux enfants sortirent d'une voiture, installée devant le camion. Anaïs, qui était curieuse, demanda à ses parents s'ils pouvaient aller se présenter. Jack et Joanne acceptèrent avec joie. Ils se dirigèrent donc vers leurs nouveaux voisins.
" Bonjour, permettez-nous de nous présenter. Nous sommes vos voisins. Nous habitons la maison juste à côté de la vôtre. Je m'appelle Jack, voici ma femme Joanne et notre fille Anaïs " dit en souriant le père d'Anaïs.
" Quel plaisir de vous rencontrer. Je m'appelle Adam, voici Mary ma femme. Et nous avons deux enfants : Charly et Anny " dit le monsieur à l'attention de ses voisins.
Joanne reprit :
" Et bien, nous vous souhaitons la bienvenue dans notre quartier. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, n’hésitez pas à venir nous voir ".
Ils se saluèrent et chacun repartit vers sa maison. Plus tard dans l'après-midi, la sonnette retentit. Anaïs demanda s'il était possible qu'elle aille ouvrir. Sa mère lui donna son accord. Quelle ne fut pas sa surprise quand elle vit Anny en ouvrant la porte. La petite fille dit alors à Anaïs :
" Je savais que nous nous reverrions " Elle avait le regard empli de joie. Anaïs n'en revenait pas. Anny, la capitaine du Flying Dragon, était réelle. Cette dernière reprit :
" En route pour de nouvelles aventures ? "
" Oh que oui " lui répondit Anaïs.
Elles partirent donc, bras dessus, bras dessous, découvrir le monde et vivre plein de nouvelles histoires.
FIN
Anaïs aime offrir des cadeaux
Anaïs était toute excitée. Bientôt, son petit cousin fêterai ses 4 ans et elle avait hâte de préparer un cadeau fabuleux. Tout se mettait en place, chacun ayant une tâche à réaliser pour le grand jour. Évidemment, cette grande fête se faisait dans le plus grand secret, ce qui ne manquait pas de faire monter l'impatience de la petite fille. Elle avait des tas d’idées pour le cadeau qu’elle souhaitait offrir : un tableau, des petits bateaux bricolés de ses mains, des pantins articulés, … tout inspirait Anaïs. La petite fille trouvait ses idées dans chaque moment de sa vie, quand elle regardait le ciel et les nuages, quand elle allait à l'école. Chaque jour était une nouvelle aventure.
Il faisait gris quand Anaïs se réveilla ce matin-là. La pluie vint bientôt chantée contre les carreaux de la fenêtre. Anaïs aimait la pluie. Elle aimait cette atmosphère qu'elle créait. Son père allait certainement faire du feu. Sa mère allait faire un bon chocolat fumant. La petite fille sortit de son lit et mit sa robe de chambre licorne. Elle était douce et donnait chaud. Anaïs descendit donc vers la cuisine. Comme elle l’avait prévu, un feu crépitait dans la cheminée et l'odeur du chocolat montait à ses narines.
" Bonjour ma petite licorne en sucre " dit Jack
" Bonjour Papa, bonjour Maman " répondit Anaïs en embrassant ses parents.
" Bonjour mon trésor " ajouta Joanne.
Ils se mirent tous trois à table. Devant la petite fille, un grand bol de chocolat chaud était posé. Il y avait aussi des tartines de beurre, du jus d'orange ainsi qu'un pain au chocolat. Anaïs ne se fit pas prier pour dévorer son petit déjeuner. Une fois le repas englouti, Anaïs se prépara et alla ensuite jouer. Mais cette fois-ci, le jeu consistait en la création du cadeau de son cousin. Elle avait trouvé l'idée parfaite : faire un calendrier de l'avant anniversaire. Elle avait trouvé cette idée en entendant son cousin décompter les jours avant la grande date. Elle se mit donc au travail. Elle commença d'abord par sortir les outils dont elle avait besoin et qu'elle avait droit de prendre seule : sa peinture, sa mosaïque et ses pinceaux. Pour le reste, elle devait demander la permission à ses parents pour éviter de se blesser. Elle sortit donc de son « atelier », une salle aménagée par son père pour laisser libre cours à son imagination.
" Papa, est ce que tu pourrais me donner le calendrier s'il te plaît ? " demanda Anaïs à Jack.
Son père alla donc le chercher et revint le lui donner. Il le déposa sur la table de son atelier. La petite fille commença d'abord par peindre le calendrier en blanc. Elle avait installé du journal sur l'ensemble de la table pour éviter de la tâcher et avait enfilé un tablier. Elle peignit longtemps, repassant sur son travail, affinant les couches de peinture. Elle voulait que tout soit parfait. Sa mère vint la chercher vers 19 heures pour aller manger. Elle retrouva sa fille peinturlurée de partout.
" Et bien ma chérie dans quel état es-tu ? Tu as de la peinture partout ! " dit Joanne en riant.
" Oui maman, je sais mais je veux que tout soit parfait " lui répondit Anaïs.
Joanne regarda sa fille avec tendresse et la prit par la main : il fut temps d'aller manger. Le repas se déroula dans une douce euphorie. Anaïs était très enjouée par le cadeau qu'elle préparait pour son cousin. Ses parents avaient d'ailleurs du mal à la contenir. Ils dînèrent donc avec enthousiasme. Après cela, Anaïs alla se doucher. Elle se prépara ensuite pour la nuit. Sa mère, Joanne, vint lui lire une histoire avant qu'elle ne s'endorme dans les bras de Morphée. Quand cette dernière remarqua que sa fille fermait les yeux, elle ferma le livre, la borda et sortit de la chambre. Anaïs ouvrit alors grand les yeux et sourit. Elle sortit de sous la couette et se pencha vers la fenêtre. Elle dit alors :
" Oh Étoile du soir, entends mon vœux : aide-moi à finir le cadeau de mon cousin. Fais que le présent que je lui offrirai soit le plus merveilleux du monde. "
Une fois encore l'étoile du soir exhaussa le vœu de la charmante petite fille. Cette dernière allait à nouveau vivre une grande expérience.
Quand Anaïs se réveilla ce matin là, elle se trouvait à bord d'un train. Elle se releva de la banquette où elle était. Elle regarda autour d'elle. Le wagon était coloré, il y avait de quoi se nourrir : des bonbons, une fontaine de chocolat, du réglisse, tout plein de bonnes choses appétissantes. Elle alla ensuite se poster à une des fenêtres du train pour apercevoir ce qu'il y avait au dehors.
Quelle ne fut pas son étonnement ! Elle se trouvait sur une île en forme de jouet gonflable. C'était un immense château : les habitants, des Walligo, sautillaient de partout pour pouvoir se déplacer. Le train arriva alors dans la gare. Un homme attendait sur la bordure du quai. Anaïs descendit du train. L'homme s'approcha alors de la petite fille. Il portait un haut de forme, et des habits du 19ème siècle mais ils étaient très colorés. Il dit alors :
" Bienvenue, chère amie, sur l'île des anniversaires. Je me présente : je suis Harry Birthday. L'étoile du soir est une de mes amies et elle m'a envoyé ton vœu. Voilà pourquoi, tu es ici aujourd'hui. "
" C'est formidable " répondit Anaïs avec enthousiasme.
Harry invita Anaïs à le suivre. Il voulait lui faire visiter l'île et discuter de son projet de cadeau. Harry et Anaïs se dirigèrent alors vers le cœur de l'île, là où se trouvait la maison du nouvel ami de la petite fille. Elle découvrit la maison la plus incroyable qu'elle ai jamais vu. C'était une maison qui avait pour forme un gros fondant au chocolat. Sur le mur, on pouvait voir nettement des cristaux de sel qui donnait une apparence de brique à la demeure.
" Elle te plaît ? " demanda Harry Birthday.
" C'est une maison incroyable. " lui répondit la petite fille en battant des mains.
Ils pénétrèrent alors à l'intérieur. Une éléphant gonflable accueillait les visiteurs en les aspergeant de paillettes. Une douce musique était diffusée. Les paroles racontaient la légende du papillon Merveille qui avait réussi à réaliser son plus grand rêve : devenir une fée. Tout autour de l'éléphant, il y avait des miroirs, des rubans colorés, des jouets et des livres. Des tonnes de livres. Anaïs ne savait où regarder. Son cerveau était en ébullition : cet endroit lui donnait des tas d'idées pour le cadeau de son cousin et aussi pour tous les autres cadeaux qu'elle comptait faire à ses proches. Harry lui fit signe de le suivre. Ils s'installèrent dans ce qui ressemblait à une cuisine. Anaïs s'assit sur une chaise en forme de paquet cadeau tandis que le chef de l'île prenait place sur dans une chaise piano. Il prit la parole, tout en servant des milkshakes à la myrtille. Ils étaient spéciaux car ils étaient faits à partir de lait de licorne.
" Nous allons aller visiter l'île et je vais te montrer ce dont tu auras besoin pour faire le calendrier d'avant anniversaire pour ton cousin. Cela te convient-il ? " demanda Harry en souriant.
Anaïs n'eut pas le temps de répondre qu'une voix aiguë se faisait entendre à l'extérieure de l'habitation. Une petite femme ronde, tout de rouge vêtue, du ruban dans les cheveux jusqu'aux pompons des chaussures, fit irruption dans la maison.
" Monsieur Birthday, monsieur Birthday, c'est une catastrophe, une catastrophe " dit-elle en s'agitant. La petite fille sourit un petit peu car elle trouvait toujours amusant le fait que les adultes répètent tout deux fois quand ils étaient énervés.
" Que se passe-t-il Madame Rose ? Pourquoi criez-vous ainsi ? " demanda Harry.
" Le cadeau de la Mère Michelle a disparu. C'est une tragédie, une abomination, une ...une ". Madame Rose éclata en sanglots.
" Allons, allons, calmez-vous. Je vais demander à tous les habitants de l'île de faire des recherches. Ne vous inquiétez pas. Ce cadeau ne doit pas être bien loin. " dit Monsieur Birthday calmement.
Anaïs, Mme Rose et Harry Birthday sortirent de la maison et se dirigèrent vers la place de l'île. Il y avait au centre un grand établissement qui devait être le cœur de l'île des anniversaires. Sur la devanture, on pouvait voir l'inscription « Au pays des jouets, on vous offre ce qui vous plaît ». Harry alla chercher un haut parleur et dit :
" Chers amis, nous sommes en peine. Le cadeau de la Mère Michelle a disparu. Je vais vous attribuer à tous une partie de l'île à fouiller. "
Il fit trois groupes. Le premier était en charge de la forêt articulée, le deuxième devait s'occuper du secteur du lac argenté et le dernier devait regarder près des entrepôts de fabrication et de livraison. Une fois les groupes constitués, chacun parti vers son lieu de recherche.
Il ne resta que trois personnes sur la place de l'île : Anaïs, Harry et Mme Rose. Harry Birthday proposa à Anaïs de lui faire visiter l'île des anniversaires et notamment les entrepôts où la magie opérait. Mme Rose les accompagna, d'une part parce qu'elle connaissait chaque personne et chaque recoin de l'île et d'autre part, parce qu'elle avait besoin de se calmer et de se vider la tête. Ils partirent donc pour une grande visite. Anaïs était surexcitée. Toute l'île l'enchantait. D'autant plus que l'univers dans lequel elle avait atterrit était extraordinaire. Le ciel était rose, les arbres n'étaient rien de moins que des pinceaux argentés. On pouvait voir gambader dans la forêt articulée, des crayons de bois et des oiseaux en écorce de pin formaient de majestueux ballets dans les hauteurs. L'univers était bel et bien celui des anniversaires.
Les trois amis arrivèrent bientôt devant l'entrepôt des souhaits. Ils entrèrent. Anaïs avait tout imaginé mais certainement pas ce qu'elle avait sous les yeux. Des fées s'activaient, virevoltant et piaillant. La petite fille ne savait plus où poser les yeux. Harry Birthday retira une baguette magique de sa canne, la posa sur sa gorge et dit d'une voix amplifiée :
" Mes amies, s'il vous plaît, un peu de tenue devant notre invitée. Prenez le temps de vivre, les souhaits ne vont pas disparaître ».
Une fée, un peu plus âgée que les autres, vêtue d'une petite robe bleue avec des paillettes et portant de petites chaussures bleues, elles aussi, vola vers les trois visiteurs. Elle souriait et avait des yeux rieurs derrière de petites lunettes en forme de cœur.
" Harry, Madame Rose, quel plaisir de vous voir. Mais dites-moi, qui est cette charmante petite fille que voilà ? " dit la fée.
" Miranda, je te présente Anaïs ". lui répondit Harry.
" Quel joie de te rencontrer Anaïs » s'exclama Miranda, enchantée.
Anaïs lui répondit qu'elle était aussi ravie de cette rencontre, aussi surprenante inattendue. Miranda invita par la suite, la petite fille à la suivre.
Tout autour d'eux, des petits oiseaux de papier apparaissaient. Miranda en attrapa un au vol. Elle le tendit à Anaïs. La petite fille déplia l'oiseau. Elle put y lire la phrase suivante : " Pour mon anniversaire, je souhaiterai avoir une machine à écrire comme celle de maman, pour écrire plein d'histoires. Signé : Aurore ". Et ainsi s’enchaînaient les souhaits des enfants. Et la visite continua encore. Madame Rose, Harry et Anaïs prirent congé de Miranda, qui commanda à nouveau sa troupe de fées. Ils étaient en train de se diriger vers les entrepôts de matériaux quand les trois groupes chargés des recherches revinrent. Malheureusement, le cadeau de la Mère Michelle avait bien disparu. Et cette dernière devait venir dans la soirée pour le récupérer. Madame Rose, qui avait réussi à se calmer, tomba dans les pommes. Harry eut juste de la rattraper avant qu'elle ne se fasse mal. Avec l'aide de quelques habitants, il l'emmena dans sa maison. Au passage, Miranda était arrivé et resta auprès d'Anaïs. Un brouhaha s’éleva. Les Walligo paniquaient, les fées, qui étaient arrivées en entendant tout le chahut, étaient relativement énervées. Anaïs d'une petite voix, mais d'une voix claire, dit alors :
" Pourquoi ne pas lui confectionner un autre cadeau ? Si nous rassemblons nos forces, le présent pourra être prêt avant que la Mère Michelle n'arrive ".
Sa remarque fut reçue avec enthousiasme. Harry, qui avait emmené Mme Rose se reposer, revint sur ces entre-faits. Il accueillit lui aussi, l'idée d'Anaïs avec joie. En l'absence de Madame Rose, Miranda dirigea les opérations. L'enjeu était de taille : il s'agissait de réaliser un arbre à chat. Mais pas pour un seul chat. Tout le monde connaissait l'histoire du chat de la Mère Michelle qui avait disparu. Mais en réalité, la Mère Michelle avait 113 chats. Il fallait donc que l'arbre à chat soit de taille.
Tout le monde se mit donc au travail. Les Walligo s'occupèrent de trouver les matériaux nécessaires, tandis que les fées apportaient les décorations et un peu de poussière de fées. Chacun mettait son cœur à l’ouvrage. Petit à petit, l'arbre à chat prit forme. Il y avait des ballons, des souris en plastique, des pelotes de laines. Il y avait même des coussins avec les noms de chaque chat pour que ces derniers puissent avoir un petit nid bien à eux. Tout fut fait pour que la Mère Michelle et ses compagnons soient ravis. Bientôt, tout fut en place.
Pendant la préparation du cadeau, Harry avait décidé d'organiser une grande fête pour célébrer toute cette bonne humeur. Avec l'aide de Mme Rose, qui avait décidé de prendre part aux festivités malgré l'ordre d'Harry Birthday de se reposer, il décora la place de l'île. Des lampions donnaient un air feutré à l'endroit. Une musique avait été lancée et amenait une douce ambiance. Un grand buffet fut préparé. Des bonnes choses à manger trônaient sur la table. Tout était prêt. Il ne restait plus qu'à attendre l'arrivée de la Mère Michelle. Cette dernière arriva bientôt. Elle fut accueillit comme une rock star. Elle sortit d'une limousine, couleur vert pomme, vêtue d'une grande robe blanche bustier. Derrière elle, ses chats suivaient. Ils portaient des nœuds papillons pour les uns, des diadèmes pour les autres. Harry Birthday s'avança vers son invitée, lui prit la main, lui fit un bisou et accompagna la Mère Michelle vers le trône. Celle-ci s'assit et attendit qu'on amène son cadeau. Un groupe de Walligo arriva. Un immense drap recouvrait le présent.
" Chère Mère Michelle, laissez nous vous offrir pour vous et vos chats, le plus fabuleux présent que vous n'ayez jamais vu " dit Harry avec enthousiasme.
" Sureprenez-moi " lui répondit la vieille femme avec malice.
Miranda, d'un coup de baguette magique, retira le drap et laissa apparaître l'arbre à chat. Tout le monde retenait son souffle, attendait la réaction de la Mère Michelle. Cette dernière se leva et inspecta l'arbre à chat. Elle se retourna, regarda Harry et Mme Rose et dit :
" C'est formidable. C'est exactement ce que je voulais. Merci du fond du cœur mes amis ".
" Vous devriez remercier Anaïs, c'est elle qui a eu les idées pour la confection de votre arbre à chat ".
La Mère Michelle s'avança alors vers Anaïs. Elle l'a remercia d'un geste tendre en la prenant dans ses bras. Elle était émue et ne prononça pas de mots. Toute l'assemblée avait les yeux brillants de larmes. Cette ambiance émouvante fut alors perturbée par les chats qui n'avaient pas perdu une miette du spectacle. Ils sautèrent les uns après les autres sur leur arbre. Cela détendit aussitôt les gens présents. Et cette douce euphorie continua, encore et encore.
Tout le monde avait pris place autour de la table du buffet. Harry se leva, cogna son verre doucement. L'assemblée fit le silence, chacun étant prêt à écouter ce que le chef de l'île des anniversaires avait à dire :
" Mes amis, ce soir est une grande réussite et je tiens à vous remercier, vous tous pour avoir mis votre cœur à l'ouvrage. Mais il y a quelqu'un que je voudrais remercier particulièrement. Il s'agit d'Anaïs ".
Un tonnerre d’applaudissements se fit alors entendre. Anaïs sentit le rouge lui monter aux joues. Elle était très intimidée d'être le centre de l'attention. La petite fille ne savait que répondre. Miranda prit à son tour la parole :
" Pour te remercier de ta gentillesse, de ta détermination et de ton soutien, nous t'offrons la médaille d'honneur de l'anniversaire. Que ce présent puisse t'apporter bonheur et imagination ".
Madame Rose se leva également et dit :
" Nous avons également décidé de t'offrir les matériaux les plus beaux de l'île, pour que le cadeau de ton cousin soit le plus réussi possible ".
Un petit Walligo s'approcha d'Anaïs et lui tendit un coffret : à l'intérieur se trouvait des peintures de rubis et d'émeraude, de la poussière de fées, ainsi que de petits oiseaux en papiers, porteurs de rêves.
" Je ne sais pas quoi dire, vraiment. Merci beaucoup pour cette merveilleuse aventure, pour tous vos présents. Je me souviendrais toujours de vous. Vous resterez à jamais dans mon cœur " dit Anaïs avec émotion.
Bientôt, il fut l'heure pour la petite fille de revenir dans son monde. Tout le monde l'accompagna jusqu'à la gare. Les embrassades n'en finirent plus. Personne n'était réellement triste. C'était de la joie. Une joie d'avoir rencontré Anaïs, une joie d'avoir vécu une belle aventure. Harry Birthday alla même jusque dans le wagon avec la petite fille. Il était ému, lui aussi.
Avant que le train n'emmène Anaïs vers sa destination, il lui dit :
" Petite, sache que l'île sera toujours prête à t'accueillir tant que ton cœur gardera en lui, l'espoir et l'insouciance. Ne l'oublie jamais. Les plus grands rêves se réalisent toujours si le cœur est prêt à les recevoir. Prends soin de toi, petite Anaïs ".
La petite fille ne répondit rien mais alla simplement se blottir dans les bras d'Harry. Ce dernier sortit et se posta près de Madame Rose. Anaïs alla près de la fenêtre et d'une main, dit au revoir à ses nouveaux amis. Bientôt, ils devinrent flous et la petite fille sombra dans un sommeil profond.
Anaïs ouvrit lentement les yeux. Elle était dans son lit. Ses doudous étaient près d'elle. Le soleil était déjà haut dans le ciel. Elle entendit ses parents s’affairer plus bas. Elle sortit de son lit et sentit quelque chose à ses pieds. Une grosse hotte était posée à même le sol. Anaïs s'empressa de voir ce qui s'y trouvait. Tous les présents qu'elle avait reçus de ses amis de l'île des anniversaires étaient dedans. De la poussière de fées s'envola même du sac. La petite fille enfila à nouveau sa robe de chambre licorne et fonça vers la cuisine. La journée commençait merveilleusement bien. Et elle finirait merveilleusement bien quand le calendrier de l'avant anniversaire de son cousin serait prêt. C'était une journée magnifique et elle avait hâte d'en vivre encore beaucoup d'autres.
" Maaaman, Paaapa, il faut que je vous raconte l'aventure que je viens de vivre ! " dit Anaïs.
C'est ainsi que la petite fille raconta l'incroyable expédition qu'elle avait vécue. Et elle brûlait d'impatience d'en connaître pleins d'autres ...
FIN
Anaïs et le Pays d'Ambroise
Ils étaient tous là. Chacun avait pris place autour de la grande table dorée dans la salle des rêves. Ils attendaient que quelqu’un se décide à parler, que quelqu’un interrompe le silence. Ce fut le marchand de sable qui prit la parole :
« Alors que faisons-nous ? »
Pour comprendre, il fallait remonter quelques heures auparavant. Le Big Boss avait convoqué les Cinq Légendes pour une affaire secrète et urgente. Quand ces dernières étaient entrées dans le bureau, elles avaient trouvé des tas de boulettes de papier, toutes griffonnées d’écriture. Le Big boss était d’une humeur massacrante. Il ne valait mieux ne pas dire quelque chose qui l’aurait froissé davantage encore.
« C’est une catastrophe, une catastrophe. Plus d’idée, plus d’inspiration, plus rien. Moi, Walter Elias, je suis vide de toute créativité. Mais que vais-je bien pouvoir faire ? »
« Allons, allons Monsieur Elias, il ne faut pas vous mettre dans des états pareils. C’est juste un petit coup de mou. Et puis, vous n’êtes pas seul. Nous sommes là pour vous aider. » répondit la petite souris à l’attention de Walter Elias.
Ce dernier esquissa un sourire triste sur ses lèvres.
« Souris dit vrai Monsieur. Nous allons vous aider à vous remettre sur pied. Dites-nous seulement de quoi il retourne. » continua le lapin de Pâques.
Walter Elias ne dit rien. Il se dirigea vers son fauteuil et s’assit lourdement dessus. Il se tourna vers la fenêtre et regarda au dehors. Le soleil éclairait le Pays d’Ambroise. On entendait des enfants rirent au loin. Une licorne s’abreuvait à la rivière en contrebas du pré enchanté. La vie s’écoulait paisiblement et pourtant Walter avait le cœur lourd. Il se retourna vers les Cinq Légendes et dit :
« Mes amis, je dois créer une nouvelle princesse. Mais rien ne me paraît bien. Et tout me paraît déjà avoir été fait. Il me faut des idées. Je suis fatigué et las. Je vous charge donc de cette mission. »
Les Cinq Légendes s’attendaient à tout mais certainement pas à se retrouver garantes d’une mission aussi importante que celle de créer une nouvelle princesse. L’exercice était de taille. Le père Noël allait s’exprimer mais Walter leur fit signe de le laisser seul. C’est comme cela que le Marchand de Sable, la Petite Souris, le Lapin de Pâques, le Père Noël et l’Étoile du Soir se retrouvèrent attablés dans la salle des rêves.
« Oh il y a des jours où je ferais mieux de rester dans ma tanière » se plaignit le Lapin de Pâques. Les autres acquiescèrent.
« Mes amis, ne nous décourageons nous pas à notre tour. Nous sommes les Cinq Légendes, tout de même. Des enfants dans le monde entier crois en nous. Nous apportons de la magie et du rêve. Nous guérissons des blessures invisibles grâce à nos aventures. Nous défions la cruauté et l’égoïsme. Nous devons y arriver. Nous allons y arriver. » Ainsi parla l’Étoile du Soir. Ces quelques mots redonnèrent du courage aux autres. Ils se mirent tous au travail. Certains allèrent chercher tous les ouvrages sur les princesses et leur création. D’autres s’occupèrent de retrouver tous les témoignages d’enfants concernant les héroïnes de Monsieur Elias. Eux aussi firent beaucoup de boulettes. La nuit était tombée depuis bientôt quatre heures quand un grognement sourd se fit entendre dans le fond de la salle. Un grognement qui fut suivit de quelques noms d’oiseau.
« Lapin, s’il te plaît. Nous sommes au Pays d’Ambroise et non dans les bas-fonds des Enfers. Surveille ton langage » dit le Père Noël.
« Oui et bien j’en ai marre. Nous n’avons pas plus d’idée que le Boss. Nous avons lu et relu tous les livres sur les princesses. Nous avons scruté chaque dire d’enfant et rien ne ressort pour créer une nouvelle princesse. » Il s’assit sur une chaise, sortit une carotte de sa poche et croqua sans conviction dedans. « J’abandonne » dit-il.
Le découragement envahit tout le monde. La fatigue aussi s’abattit sur les nerfs de chacun. L’Étoile du Soir qui était la plus sage d’entre tous reprit la parole une fois encore. Une idée lui avait germé dans l’esprit au fur et à mesure que les ressources s’amenuisaient. « J’ai une idée. Il y a une petite fille qui a une imagination des plus grandes. Elle pourrait nous être d’une aide précieuse. » Les regards se rallumèrent et les flammes dans les yeux des Cinq Légendes réapparurent. Le Père Noël signifia à Étoile qu’ils étaient tout ouïe.
« Alors voilà. La petite fille dont je vous parle s’appelle Anaïs. Elle a 7 ans. Chaque soir, elle me donne un vœu à réaliser. Et chaque soir, je n’ai pas le cœur de lui refuser. Elle rend beaucoup de gens heureux autour d’elle et a toujours de bonnes idées pour se sortir de situations rocambolesques. Offrons-lui une fois encore l’occasion de vivre une grande aventure en compagnie des Cinq Légendes. Qu’en pensez-vous ? »
Les quatre autres trouvèrent l’idée excellente. Il fallut alors décider de la personne qui préviendrait Anaïs de sa nouvelle mission. Tous s’accordèrent pour dire que le marchand de sable était le plus à même de convaincre la petite fille. En effet, il était chargé du sommeil des enfants et passait chaque soir dans toutes les maisons pour endormir des bambins. La nuit prochaine, un seul enfant ne dormirait pas et ce serait Anaïs.
Le soleil se couchait mais Anaïs n’avait pas sommeil. Elle voulait encore jouer avec ses peluches. Il n’y avait pas école le lendemain alors pourquoi se coucher comme tous les autres soirs se disait-elle. Pourtant, ses parents n’en démordirent pas et Anaïs partit dans sa chambre. Elle retrouva ses amis, les prit dans ses bras et se glissa sous la couette. Ah la douceur et la chaleur de la couette. Comme c’était bien, comme c’était doux. Peu à peu, la nuit vint prendre la relève et commença son travail. Accompagnée de ses fidèles étoiles, elle plongea le monde dans une douce torpeur. Les yeux de la petite fille se fermèrent bientôt. Le silence se fit dans la chambre de la fillette. Une lumière vint briser bientôt cette harmonie. D’abord minuscule, elle grossissait de plus en plus. Anaïs ouvrit les yeux et l’aperçu. Elle pensait rêver mais dû se résoudre à admettre la réalité quand un petit bonhomme, plus large que haut se posta devant elle. Il brillait. Il avait un grand sourire et de petits yeux rieurs. Il flottait dans l'air sur un nuage doré. Anaïs était émerveillée. Elle n'avait jamais rien vu d'aussi beau. Elle garda tout de même ses peluches contre elle. Le petit bonhomme s'avança vers la petite fille et descendit de son nuage. Il prit place sur son lit.
« Bonsoir petite fille. Je suis le marchand de sable. Tu es Anaïs n'est ce pas ? »
« Coucou. Comment sais-tu que je m'appelle Anaïs ? »
« Et bien, je suis un ami de l’Étoile du Soir et elle m'a parlé de toi. Avec le Père Noël, le Lapin de Pâques et la Petite souris, nous avons une mission de la plus haute importance pour toi » dit-il avec des yeux rieurs.
Anaïs était très honorée d'avoir été choisie pour quelque chose d'important mais elle ne comprenait pas encore bien en quoi elle pouvait être utile. Elle posa alors la question au Marchand de Sable. Il lui dit :
« Vois-tu Walter Elias, le créateur de tes héros veut inventer une nouvelle princesse mais il est en panne d'inspiration. Il a donc demandé aux Cinq Légendes de l'aider. Malheureusement, nous n'avons pas plus d'idée que le Boss. Tout nous semble avoir été fait. »
« Mais que voulez-vous que je fasse ? »
« Et bien Étoile nous a parlé de tes souhaits et du bonheur que tu apportes dans chacune de tes aventures. Tu fais toujours preuve d'une grande imagination et d'un esprit vif. Voilà pourquoi tu nous serais d'une aide précieuse si tu acceptais de nous donner un coup de main ».
« Et puis », reprit-il avec un sourire malicieux, « ce serait l'occasion pour toi de vivre une autre grande aventure ».
Anaïs ne réfléchit pas longtemps. Elle accepta la proposition de Sable. Il lui demanda de la rejoindre sur son nuage doré. La petite fille était aux anges. Elle était comme dans un rêve et se laissait porter par la douceur du nuage. Bientôt, les deux compagnons sortirent de la chambre et s'envolèrent vers le ciel en direction de l'étoile du Nord.
Le soleil se levait quand le Marchand de Sable et Anaïs arrivèrent au Pays d'Ambroise. L'air était doux. La petite fille regardait partout autour d'elle. Tout était magnifique, les paysages, les créatures : tout inspirait le bonheur et l'imagination. Bientôt, le nuage doré vint se poser sur le perron d'une belle maison. La porte s'ouvrit comme par magie. Les deux amis entrèrent et Anaïs se trouva plongée dans une atmosphère de rêve. Les murs étaient peints de toutes les couleurs de l'arc en ciel. De larges fenêtres faisaient entrer la lumière. De magnifiques lustres décoraient les plafonds. Des fleurs exotiques pendaient le long des rambardes. Rien ne semblait vouloir ternir ce lieu magique. Sable demande à Anaïs de le suivre. Ils longèrent une immense galerie où de grandes fenêtres aux armatures dorées laissaient entrer le soleil. Ils arrivèrent devant une immense porte en bois sculptée. Les portes s'ouvrirent et les deux amis entrèrent dans une magnifique bibliothèque.
« C'est incroyable ! » murmura Anaïs. « Je n'ai jamais vu une bibliothèque aussi grande ».
« N'est-il pas ? » lui répondit Sable plein d'entrain.
La surprise de la petite fille était grande mais elle devint immense quand elle se retrouva en face des quatre légendes. Elle les regarda hébétée ne sachant quoi dire ou quoi faire. Ils étaient plongés dans leur conversation, n'ayant pas entendu entrer les deux arrivants. C'est Souris qui remarqua bientôt Anaïs et Sable.
« Oh te voilà revenu, Sable ! Oh mais qui voilà ? Quelle jolie petite fille tu es ! »
« Souris voici Anaïs » lui répondit Sable.
D'emblée, les autres légendes se retournèrent. Anaïs était partagée entre un sentiment de joie immense et la peur d'être devant ses héros. Ses grands parents n'en reviendraient pas, eux qui lui racontaient souvent les histoires de ces personnages illustres. Souris était plutôt de grande taille pour une souris avec un beau pelage gris et des yeux bleus. Sur le haut de sa tête, il y avait un diadème dont les pierres faisaient penser à de petites quenottes d'enfants. Le lapin de Pâques avait fière allure : sa grande taille imposait le respect mais son regard était plein de bonté. La petite fille eu une réelle admiration pour le Père Noël. Sa longue barbe blanche et ses petites lunettes rondes lui donnaient un air comique. Son beau manteau rouge et son bonnet étaient magnifiques bien loin que ce qu'avait imaginé Anaïs. Cette dernière fut alors attirée par le regard d'une belle dame. Elle était auréolée de lumière, sa robe blanche était sertie de milles diamants. Ses longs cheveux blonds étaient noués en un épi de blé. Elle s'avança vers la petite fille et prit ainsi la parole :
« Nous nous rencontrons enfin douce Anaïs. Je suis l’Étoile du Soir. Bienvenue au Pays d'Ambroise ».
« Oh comme vous êtes jolie » répondit la petite fille. « Enfin, vous êtes tous très beaux, n'en doutez pas et si grands ».
« Chère petite, il y a bien longtemps que je n'avais pas conversé avec des enfants et tu as l'air si gentille. Viens donc t’asseoir près de moi » dit Lapin.
« Anaïs, nous avons besoin de toi. Comme Sable a dû te le dire nous devons inventer une nouvelle princesse. Nous avons lu des centaines de livres, regarder des images, nous avons fouillé dans les archives. Il y a eu des princesses endormies, des princesses et des pommes, des princesses guerrières, des princesses et des chaussures perdues. Il y a eu des princesses et des génies, des princesses et des grenouilles. Que pouvons-nous faire pour être originaux ? » demanda Noël.
« Tout cela a l'air compliqué, quand même. Chaque princesse est différente mais j'ai remarqué que les dernières princesses, mes préférées, avaient des points communs. Elles sont courageuses, elles veulent être libres et elles savent se battre. Peut-être pourrions-nous commencer par cela. Imaginons les traits de caractère et imaginons ensuite le reste ».
« En voilà une belle idée » dit Souris. « Cela me donne autant d'énergie que lorsque je pars chercher les petites dents de ces adorables enfants. En avant mes amis ».
Pour inspirer ses nouveaux amis, Anaïs raconta ce qu'elle aimait le plus chez les princesses, ce qu'elles représentaient pour elle et comment elle s'inspirait de leurs aventures dans sa vie. Elle cherchait comment être originale. Elle voulait que les légendes rendent fières Monsieur Elias. L’Étoile du Soir vint à elle, alors que la petite fille expliquait comment elle avait essayé de monter à cheval pour faire comme Mérida, mais elle s'était retrouvée sur le derrière, la selle ayant oublié d'être attachée au poney. Le Père Noël ria d'une voix forte et Lapin tapa rapidement du pied tant il rigolait. « Anaïs, pourrais-je te parler ? J'aimerais te faire visiter le Pays d'Ambroise. Mes amis, quant à vous, faites-donc une pause. Nous avançons bien, prenons le temps de nous détendre ».
La petite fille prit la main de la jeune femme et toutes deux se dirigèrent vers les extérieurs. Le soleil était haut dans le ciel d'un bleu azur. Nul malheur ne semblait exister en ces lieux. Seul le bonheur régnait.
« Je suis heureuse de faire ta connaissance. Il y a sans doute beaucoup de choses que tu voudrais comprendre je l'imagine bien ».
« Madame l’Étoile, les aventures que j'ai vécues ont-elles vraiment eu lieu où n'ai-je fais seulement que rêver ? Ai-je vraiment rencontré Oiseau Juste, Anny ou Harry Birthday ? »
« Mon enfant, les gens que tu as connus existent bel et bien. Ton imagination ne t'a nullement joué des tours. Lorsque les habitants du Pays d'Ambroise ont besoin d'aide, nous leur envoyons des personnes susceptibles de leur venir en aide. Tes vœux coïncident souvent avec ces moments là. Et j'ai la prétention de croire que tu apportes de bonnes choses autour de toi ».
« Mais je n'ai que 7 ans » répondit la petite fille. « Je ne sais pas tout ce qu'il y a à savoir et j'ai souvent peur, vous savez. Je ne suis pas aussi courageuse que les princesses ».
« Tu es humble et gentille. Voilà ce qui fait ta force. Ne doute pas de toi, Anaïs. Les gens de ton monde, comme certaines personnes du mien, croient que la méchanceté doit dominer et que les différences sont à bannir. Or, il n'en est rien. Les différences sont notre force à tous. Et toi, tu es différente en ce sens où tu suis ton chemin. Si tu aimes les indiens alors que d'autres ne sont pas attirés par cette culture, tu ne changeras pas d'avis pour autant. Et cela est très courageux d'affirmer des opinions qui ne conviennent pas à tous ».
« Je n'avais jamais vu les choses sous cet angle ».
« Ne te refuse rien tant que cela te rend heureuse. Regarde autour de toi. Chacun peut être ce qu'il veut ».
Anaïs se rendit alors compte de ce qui l'entourait : un lac où nageaient de somptueuses sirènes était situé en contrebas d'une montagne majestueuse. L'herbe était verte, des animaux broutaient paisiblement. La petite fille pensa alors à son amie, Nina. Elle était différente et pourtant, elles s'entendaient si bien qu'Anaïs se fichait de ce que les autres petites filles considéraient anormal.
« Madame l’Étoile, je viens d'avoir une idée. Pouvons-nous retourner à la bibliothèque que je l'explique aux autres légendes ? »
« Allons-y de ce pas » répondit Étoile.
Les légendes et Anaïs se retrouvèrent donc toutes réunies. La petite fille prit alors la parole :
« Madame l’Étoile m'a dit que les différences étaient une force et que chacun de nous pouvait être ce qu'il voulait. Pourtant, là d'où je viens, tout le monde ne pense pas comme cela J'ai une amie, Nina, qui se fait souvent moquer parce qu'elle est différente. Vous voyez, elle est un peu ronde et cela la rend triste. Les filles de notre école se moquent d'elle en lui disant qu'il faudrait qu'elle mange plus de salade. Ma maman dit que tout le monde n'a pas le même corps et que la beauté qui compte est celle du cœur. Alors je me disais, pourquoi ne pas faire une princesse ronde pour que mon amie Nina puisse s'identifier à elle comme moi je le fais avec d'autres princesses ? »
« Ta maman est pleine de sagesse, ma chère petite » dit Noël.
« Moi je suis partant ! En voilà une bonne idée » répondit Lapin.
« C'est sablement génial ! Comme je suis moi même un peu rond - j'aime beaucoup trop le caramel - je serais ravis d'avoir une nouvelle amie qui me ressemble »
Cette remarque de Sable fit rire tout le monde. Souris fut elle aussi d'accord et tous se remirent au travail. Ils commencèrent par écrire la trame de l'histoire, s'attardant sur les personnages que la nouvelle princesse allait rencontrer. Tous voulaient qu'elle soit courageuse et gentille mais qu'elle sache exprimer ses doutes et ses peurs. En réalité, la princesse devait s’adapter à l'époque. Oublier les chaussures de vair et les citrouilles ensorcelées. Néanmoins, les six amis gardèrent l'esprit du château, du bal et bien sûr du garçon qui ferait chavirer le cœur de la belle.
L'héroïne se trouva être donc être la nourrice royale. Elle s'occupait des enfants des gens de la cour du roi Gaë de Brittania. Elle avait un sourire enjôleur et de beaux yeux noisette. Ses cheveux, noirs comme ceux de Blanche-Neige, encadraient un visage rond plein de bonté et de malice. Mais ne vous méprenez pas : modernité, réseaux sociaux et tuto maquillage étaient bien présents. Voici donc ce que donna l'histoire des six amis après de nombreux changements, désaccords et autres péripéties.
Nina, nourrice royale et messagère personnelle du souverain, fut dépêchée par le roi pour aller chercher, Raphaël de Luca, l'architecte le plus réputé de son époque mais aussi prince des deux Siciles. Gaë de Brittania souhaitait aménager une pièce destinée aux enfants où se mêleraient peintures, sculptures et trésors du royaume. Il voulait que tous ses sujets comprennent l'importance des arts et s'engageait ainsi dans l'éducation des plus petits. Néanmoins, il ne voulait pas d'une pièce austère mais plutôt d'un endroit ludique, où les enfants pourraient jouer et découvrir. C'est pourquoi Raphaël de Luca se devait d'être sur le projet.
Nina, qui rêvait d'être décoratrice d'intérieur, reçut cette nouvelle comme une chance. Alors certes, elle aimait les enfants mais ce qu'elle voulait c'était créer, imaginer des harmonies de couleur, donner du sens à ce qui semblait ne pas en avoir. Pourtant les gens la voyaient comme une sympathique jeune fille ronde, une nourrice chaleureuse. Et pourtant, elle était tellement plus que cela. Nina accepta, ainsi, avec empressement la requête du roi Gaë. Raphaël de Luca était un architecte sicilien réputé. Arrivé depuis peu sur l'île de Brittania, il avait été engagé par le 1er ministre pour repenser en profondeur la galerie d'art de ce dernier : il voulait que ses tableaux soient mieux mis en valeur et que toute personne vienne ainsi profiter de ce qu'il proposait. Le souverain avait eu vent de son travail et souhaitait l'avoir auprès de lui. Pour Nina, cette rencontre serait une opportunité de montrer ses talents d'artiste. Nul besoin de dévoiler son identité à l'architecte. Raphaël de Luca répondit positivement à la demande du roi Gaë.
Avec l'aide de Nina, il réalisa une salle culturelle remplie des trésors du royaume, retraçant l'histoire des territoires. Les habitants de Brittania furent éblouis de l'ingéniosité avec laquelle les arts étaient représentés. L'histoire était amenée de manière ludique. Les décors apportaient indéniablement un plus. Les enfants pouvaient s'adonner à l'écriture, à la peinture et à la sculpture et même à la poterie. La salle culturelle baptisée « au détour d'un chemin » était composée de plusieurs pièces dédiées chacun à une disciple artistique. Elles avaient été pensées et décorées par Nina. Cette nouvelle salle fut inaugurée lors d'un grand bal auquel tous les habitants du royaume étaient convié. Toutes les jeunes filles voulaient être la cavalière de Raphaël de Luca mais lui n'en voyait qu'une pour être à ses côtés. Nina l'avait ébloui par ses idées, par son sourire et son rire franc. Son imagination n'avait d'égale que sa générosité. Il la voulait auprès de lui : qu'importe ce que pensaient les gens, il la trouvait belle, ses formes étaient harmonieuses et plus encore la beauté de son cœur avait eu raison de ses dernières volontés à ne pas tomber amoureux. L'histoire se terminait ainsi : Nina devint princesse des deux Siciles et exerça son art auprès de son prince qui l'aima d'un amour infini.
L'histoire inventée par les Cinq Légendes et Anaïs se voulait être originale et teintée de ce qu'aimaient la petite fille et son amie. La princesse leur ressemblait à toutes les deux comme un symbole fort de leur amitié. Principe important de Walter Elias, la nouvelle princesse apporta avec elle une morale plein de sens : qu'importe les différences, lorsque la passion anime les cœurs, elle peut être l'origine d'un dépassement de soi et d'un courage sans borne. L'histoire achevée fut prête pour être présentée au Big Boss du Pays d'Ambroise. Les six amis prirent la direction du bureau de Walter. Celui-ci était situé en haut d'un immense escalier recouvert de lierres, de roses et de lys. Des fées dansaient dans cette végétation verdoyante. Une fois l'escalier emprunté, le Père Noël, la Petite Souris, le Lapin de Pâques, le Marchand de Sable, l’Étoile du Soir et Anaïs se retrouvèrent face à Monsieur Elias dans son bureau. Tous scrutaient son visage, essayant de déceler son approbation. Lorsque Walter eut fini de lire l'histoire de la princesse Nina, un grand sourire illumina ses traits. Il approuva tout de go cette héroïne au caractère rafraîchissant et à l'histoire si novatrice. Le grand homme retrouva son inspiration et remercia chaleureusement ses amis. Gonflé à bloc, il se remit au travail. Il fut également temps pour Anaïs de rentrer chez elle. Pourtant, la petite fille avait encore tellement de questions, tellement de choses à comprendre. Etoile lui permit de poser une question avant que Sable ne la ramène chez elle. La petite fille demanda ainsi :
« Chère Etoile, vous m'avez dit que toutes les personnes que j'avais eu la chance de rencontrer existaient bel et bien mais faisaient simplement parties du Pays d'Ambroise. Mais qu'en est-il d'Anny ? Comment se fait-il qu'elle soit ma voisine ? »
« Tous les enfants sont exceptionnels, Anaïs mais il y en a qui font preuve de courage et générosité de manière si naturelle que leurs vœux sont souvent entendus. Tout comme toi, Anny est venue en aide à de nombreuses personnes du Pays d’Ambroise. Cependant, au moment où les enfants atteignent l'âge de douze années, leur insouciance et leur imagination diminuent pour laisser place à des choses différentes. Ce n'est pas le cas de tous les enfants mais c'est ce qui arrive le plus souvent. Anny t'a rencontré pour te passer le flambeau et te conseiller sur tes futurs choix. Elle te laisse sa place pour à ton tour apporter un peu de toi au Pays d’Ambroise ».
Anaïs ne répondit rien mais en silence remercia l’Étoile du Soir de lui avoir fait rencontrer Anny. Elle était un peu une grande sœur pour la petite fille. Cette dernière remercia les Cinq Légendes et promit de toujours les porter dans leur cœur. Ils avaient tous les larmes aux yeux, ces héros si grands, ces personnages si courageux. Lapin serra Anaïs dans ses bras, Noël lui offrit une dernière balade sur ses larges épaules le temps d'un instant. Souris posa affectueusement deux baisers sur les joues de la petite fille. Etoile, plus réservée, offrit un sourire des plus chaleureux à Anaïs. Sable l'attendait sur son nuage et la petite fille prit place auprès de lui. Le petit nuage doré s'éleva dans le ciel et un instant, Anaïs se retrouva chez elle, dans sa chambre. Le marchand de Sable laissa Anaïs reprendre place dans son lit non sans l'avoir serré dans ses bras lui aussi. Il posa ensuite sur elle des étincelles d'or dans lesquelles étaient enfermées rêves et douceurs. La petite fille plongea bientôt dans un sommeil profond. Vint le lendemain, ensoleillé et sans nuage. Anaïs se leva de bonne humeur, encore toute heureuse d'avoir vécu une aussi belle aventure. Aux pieds de son lit, des présents étaient disposés, sans doute déposés là par Sable. La petite fille eut donc un œuf de Pâques peint à la main par Lapin, une boite en porcelaine pour mettre ses dents de laits offerte par Souris, des sucres d'orges de la part de Noël et une veilleuse pour ne plus avoir peur dans la nuit de son amie Etoile. Elle s'empressa de les mettre dans son coffre a trésor et descendit ensuite rejoindre ses parents. Elle avait tant de choses à leur raconter. Mais plus encore, elle avait hâte d'être l'après-midi : son amie Nina venait jouer chez elle. 16 heures arriva et les deux petites filles dessinaient tranquillement dans le salon, quand une bande-annonce passa à la télé. Anaïs et Nina découvrirent la nouvelle princesse que les studios Elias avaient décidé de créer : quelle ne fut pas la joie de Nina ! La princesse portait son nom et lui ressemblait. On y voyait un somptueux palais, des enfants et le roi Gaë de Brittania. Le film promettait une princesse courageuse et créative.
« Nina, il va falloir que nous allions voir ce dessin animé. La princesse te ressemble, cela pourrait faire taire les méchantes filles de l'école »
« Oh Anaïs ! C'est formidable. Quelle bonne idée ils ont eu là ! Et elle a l'air si géniale ».
« Tout comme toi Nina ».
Les deux petites filles se firent un câlin et l'après-midi se termina ainsi : dans la bonne humeur et un joyeux désordre, elles imaginèrent les aventures de la princesse Nina et vécurent une incroyable aventure au royaume de Gaë de Brittania.
FIN
Anaïs joue de la musique
Quelle merveilleuse musique que celle du violon. Anaïs adorait écouter et voir sa grand-mère en jouer. Reine était une violoniste avertie, ses doigts volaient sur les cordes. Quand elle jouait, les gens retenaient leur souffle tant sa maîtrise de l'instrument était magique. La petite fille avait commencé à prendre des cours pour faire comme sa grand-mère. Elle voulait être aussi douée que Reine. Anaïs terminait ainsi son cours de violon, sa grand-mère l'attendant devant l'école de musique. Quand elle sortit, elles allèrent toutes les deux dans leur boulangerie préférée : ce fut un beignet aux pommes pour Anaïs et un flan à l'orange pour Reine. Elles s'entendaient si bien toutes les deux. Reine trouvait sa petite-fille si pure et imaginative qu'elle ne se lassait jamais de ses histoires et de ses aventures.
Elles rentrèrent ainsi chez Reine en riant et en s'amusant. Anaïs et sa grand-mère allèrent dans le salon où Gustave était installé : il écrivait dans son journal. Il étayait son carnet de ce qu'il faisait chaque jour, il parlait de la météo et des personnes qui venaient le voir. Son épouse et sa petite fille sortirent leur violon de leur étuis. Anaïs commença à jouer. Ses gestes étaient hésitants mais les notes étaient justes et claires. Nul ne pouvait douter de son talent. Elle joua ainsi une demi-heure, accompagnée par sa grand-mère qui lui donnait de précieux conseils. La petite fille rangea ensuite son instrument et partit s'amuser dans le jardin. Gustave alla la rejoindre : il alluma la radio et tous deux se mirent à danser, à virevolter au milieu des arbres fruitiers et des oiseaux. Gustave prenait Anaïs dans ses bras, il la faisait tourner puis la reposait et recommença encore et encore. La petite fille était aux anges. Son grand-père était très prévenant et toujours prêt à rendre la vie d'Anaïs merveilleuse. Ils jouèrent ainsi jusqu'au moment du dîner. Après celui-ci, Gustave et Reine offrirent à Anaïs un petit concert privé. Reine était au violon et Gustave sortit son accordéon. Les tons s'accordaient parfaitement, les notes était pures. Leurs doigts effleuraient les touches et les cordes. Leurs gestes étaient rapides et sûrs. La passion qui animait ce couple était si perceptible qu'Anaïs la ressentait au plus profond de son âme. Lorsque les derniers accords se turent, la petite fille applaudit avec entrain. Elle remercia vivement ses grands-parents et les embrassa tendrement. Elle les aimait beaucoup et sans eux la vie serait très ennuyeuse.
Anaïs alla ensuite se coucher. Elle appréciait de dormir chez Reine et Gustave car elle pouvait se coucher plus tard et profiter de ses journées plus longtemps. Gustave raconta l'histoire de la chèvre de Monsieur Seguin à sa petite fille avant que celle-ci ne s'endorme. Il borda Anaïs non sans lui avoir souhaité une bonne nuit et Reine fit de même, lui rappelant de prier l’Étoile du Soir. Une fois la porte fermée, Anaïs se releva et alla vers la fenêtre. Elle ferma les yeux et dit d'une voix douce :
« Oh Etoile du Soir, j'aime tant la musique, j'aime tant les accords et les notes, faites-moi découvrir des violonistes et des accordéonistes, des musiciens et des artistes. Donnez-moi la chance de vivre une grande aventure musicale. Merci beaucoup ».
Anaïs se recoucha et doucement, le sommeil l’envahit. Pourtant, l’Étoile du Soir n'oublia pas son vœu. Comme une belle coïncidence, un jeune accordéoniste avait besoin de son aide. Vint le jour et Anaïs se réveilla dans une magnifique loge de théâtre. Il y avait un grand miroir, un canapé et des partitions de musique jonchaient le sol. Au loin, on entendait de la musique : des violons jouaient du Vivaldi. La petite fille se leva du canapé et ouvrit la porte. Au même moment, un garçon s'engagea dans la loge et percuta Anaïs. Les deux enfants tombèrent à la renverse. Les couloirs étaient plongés dans la pénombre mais Anaïs remarqua les cheveux brun bouclés du garçon et ses yeux gris plein de malice. Il se releva et aida Anaïs à en faire de même.
« Bonjour. Je suis Adriano ».
« Oh bonjour. Moi, c'est Anaïs. Dis moi où suis-je ? »
« Te voilà au grand théâtre de Berthovino. Mais dis-moi que fais-tu ici ? Je ne t'ai jamais vue avant ».
« C'est une longue histoire, je te l'expliquerai plus tard». dit Anaïs avec mystère.
« Je vois ». dit Adriano en souriant. « Suis-moi, je vais te faire découvrir le plus bel endroit du monde ».
Les deux enfants prirent la direction de la grande salle du théâtre. Adriano fit signe à Anaïs de ne pas faire de bruit. Discrètement, ils s'installèrent dans de somptueux fauteuils rouges en velours. L'orchestre qui jouait était composé de violonistes, de contrebassistes, de flûtistes et d'accordéonistes. Debout près du chef d'orchestre, un homme d'une grande carrure attendait les yeux fermés, le dos droit, le violon au menton que ce fut son tour d'entrer en scène. L'orchestre cessa ainsi de jouer et laissa place à Marcello. Sa musique était sans fausse note mais quel ennui. Anaïs s'empressa d'en faire la remarque à Adriano :
« Adriano, dis moi, comment s'appelle le violoniste qui joue ? »
« Oh vois-tu Anaïs, il s'agit de Marcello, le premier violoniste de l'orchestre et le meilleur d'entre tous. Il est extrêmement doué comme tu peux le constater. Et pourtant, il ne ressent aucune émotion, il joue du violon divinement mais ne vit pas sa musique. C'est triste, très triste ».
« Et toi, est ce que tu joues d'un instrument ? Que fais tu ici ? »
« J'aide Marcello, je range sa loge, je lui apporte ce dont il a besoin. Et pour ce qui est de la musique, j'aime jouer de l'accordéon par dessus tout. Ses sonorités me plaisent ».
« Mon grand-père joue aussi de l'accordéon et je comprends que tu l'aimes ».
Anaïs n'eut pas le temps de terminer sa conversation que déjà l'orchestre avait terminé la répétition. Marcello demanda l'aide d'Adriano sans tarder. Ce dernier accouru, trop anxieux de déclencher la colère du violoniste. Anaïs le suivit trop heureuse de cette nouvelle aventure qui s'offrait à elle. Ils arrivèrent vite à la loge de Marcello. Celui-ci était déjà de mauvaise humeur : il devait assister à un repas officiel de Luciano Morcanti, le plus grand notable de la ville et il n'avait rien à se mettre.
« Adriano, comment se fait-il que mes vêtements de soirée ne soient pas ici ? Et qui est donc cette jeune fille qui se cache derrière toi » hurla-t-il à son jeune serviteur.
« Je les ai envoyé au nettoyage selon vos ordres, Monsieur. Je cours les chercher de ce pas. Et je vous présente Anaïs, elle a été embauchée pour me seconder, afin que mes services soient des plus efficaces envers vous ».
« Bien, bien, passons. Dépêche toi de me rapporter mes vêtements. Je dois être à 19h chez Morcanti ».
Les deux enfants partirent le plus vite possible récupérer les vêtements de Marcello. Anaïs n'avait qu'entrevu le caractère ombrageux du musicien, mais déjà cet homme ne lui plaisait pas. Ils s'engagèrent hors du théâtre et se rendirent à la laverie où Adriano avait apporté les vêtements de Marcello le matin même.
« Angelo, Angelo, c'est Adriano » dit le petit garçon en entrant en trombe dans la boutique.
« Oh mon garçon, te revoilà déjà ».
« Angelo, il me faut les vêtements de Marcello, il doit se rendre à une réception chez Luciano Morcanti et je dois absolument lui apporter la tenue que je t'ai déposée ce matin ».
« Rassure-toi, je l'ai nettoyée en priorité, je ne voulais pas qu'il t'arrive des ennuis » répondit Angelo avec bienveillance.
Il remarqua alors Anaïs.
« Dis-moi qui est ton amie qui t'accompagne ? »
« Angelo, je te présente Anaïs. Elle est arrivée il n'y a pas longtemps au théâtre ».
« Enchanté Anaïs ».
« Enchantée aussi » répondit la petite fille.
« Nous te reverrons ce soir à la fête de Roberto, nous discuterons plus longtemps. Nous devons nous dépêcher avant que Marcello ne détruise le théâtre » dit Adriano.
Les deux enfants prirent la tenue de Marcello et se dirigèrent vers le théâtre. Ils montèrent l'escalier du grand hall quatre à quatre. Enfin, ils arrivèrent devant la loge du violoniste. Il ouvrit la porte en trombe.
« Adriano, voilà un moment que je t'attends. Veux-tu me faire rater mon entrée à la réception de Morcanti ? » vociféra Marcello.
« Ne lui en voulez pas Monsieur. Nous avons croisé de nombreux admirateurs et Adriano a dû leur répondre, expliquant quel grand talent vous possédez. Si nous étions partis sans leur répondre, votre réputation aurait été salie ».
« Oh très bien. Je passe ton retard pour cette fois. Aide moi à m'habiller maintenant ».
Anaïs les laissa seuls et partit visiter le théâtre. Des musiciens jouaient des airs entraînants. On entendait des rires. La bonne humeur régnait. Son grand-père lui avait parlé de la chaleur des Italiens : il ne s'était pas trompé. Leur rire franc emplissait la pièce d'un sentiment de réconfort. Bientôt, la petite fille entendit du bruit provenant de la loge de Marcello. Elle s'approcha doucement ne voulant pas provoquer d'autres ennuis à Adriano.
« Adriano tu resteras plus longtemps pour ranger ma loge ».
« Mais il y a une fête ce soir dans mon quartier, je voulais y assister ».
« Tu pourras faire la fête quand tu auras terminé de tout ranger. Je viendrai vérifier que ton travail a été correctement fait, sinon gare à toi ». dit Marcello.
Adriano ne dit rien mais il ne comprenait vraiment pas le musicien. Ce dernier partit à la réception de Morcanti et laissa le jeune garçon à sa peine. Elle fut vite oubliée quand Anaïs arriva dans la loge. Elle avait tout entendu et décida d'aider son nouvel ami. Ils rangèrent dans les armoires les partitions qui jonchaient le sol, ils mirent sur des cintres les costumes de scène de Marcello et firent la poussière sur les étagères. Adriano chanta, imita son maître et dansa. Les deux enfants rirent de bon cœur et bientôt la loge étincela de propreté. Adriano et Anaïs sortirent du théâtre et se rendirent à la fête de Roberto.
Des dizaines de lampions avaient été accrochés, des tables avaient été installées dehors, toutes les maisons étaient ouvertes. Des enfants couraient et chahutaient, les femmes disposaient de nombreux plats de pâtes et des salades. Quelques hommes présents prirent leurs instruments et commencèrent à jouer quelques balades. Anaïs était émerveillée. Bientôt, Roberto et Maria ainsi que leur bébé Sofia, ceux pour qui la fête avaient été donnée se mêlèrent à la foule. On s'embrassa, on se donna des accolades. Adriano alla chercher son accordéon. Avec les autres musiciens du quartier, il commença à jouer le « Rossignol de mes amours ». C'était son hymne à la joie, la chanson qui mettait du baume dans le cœur de chacun. Des couples se mirent à valser. Anaïs se fit embarquer dans une ronde : elle riait si fort que ses côtes lui faisaient mal. Adriano laissa sa place et rejoignit son amie.
« Anaïs, bienvenue chez moi ! »
« Oh c'est merveilleux. Vous semblez tous si heureux. Et tu joues si bien, tu as un vrai talent d'accordéoniste, Adriano ».
« Merci beaucoup. Viens, je vais te présenter à ma mama ».
Ils se dirigèrent vers une dame aux longs cheveux bruns, à la taille élancée. Elle avait le regard droit et fier, le type italien.
« Mama, Mama. Voici mon amie, Anaïs. Elle vient d'arriver au théâtre ».
« Bonsoir Anaïs. Bienvenue à Berthovino. J'espère que tu passes une agréable soirée » dit Héléna.
« Oui, tout le monde est si gentil et si joyeux, c'est vraiment une belle aventure que je suis en train de vivre ».
« Tu parles comme Adriano, il voit toujours sa vie comme des aventures extraordinaires ».
« Mama a raison, je suis toujours heureux de tout. Au moins, je prends la vie du bon côté ».
« Allez, allez les enfants, profitez de la soirée. Avant de partir, viens donc embrasser ta mama, Adriano »
Une fois le baiser donné à sa mama, Adriano et Anaïs se remirent à danser, à jouer avec les autres enfants. La fête était un véritable succès. Les adultes veillaient sur leurs enfants du coin de l’œil, notamment Héléna : elle souriait tendrement en regardant son fils si éveillé et si gentil. Il fut bientôt l'heure d'aller se coucher : Anaïs fut évidemment inviter à passer la nuit chez Adriano.
Le lendemain, les deux enfants partirent au grand théâtre. Il fallait qu'ils soient prêts pour l'arrivée de Marcello. Cependant quand ils arrivèrent, une foule était pressée devant l'entrée. Un panneau avait été affiché : « Ce jour, le grand chef d'orchestre Bernardo Raluti viendra au grand théâtre de Berthovino pour faire passer des auditions en vue de son prochain spectacle. Il recherche un accordéoniste et un violoniste ».
« Oh Adriano, tu devrais participer, tu as tellement de talent ! »
« Oui pourquoi pas c'est une idée intéressante. Mais dépêchons-nous d'aller voir Marcello ».
« Tu as raison, je ne voudrais pas te causer encore des ennuis » dit Anaïs.
Ils montèrent une fois encore le grand escalier du hall. Ils entrèrent dans la loge, préparèrent le violon de Marcello et attendirent qu'il les rejoigne. Il arriva vite pour commencer les répétitions. Il avait bien évidemment pris connaissance de l'arrivée prochaine de Bernardo Raluti : il jubilait.
« Adriano, quelle bonne nouvelle ! Raluti est un grand chef d'orchestre. Avoir ma place auprès de lui assurera définitivement ma renommée ».
« Il vous faudra passer les auditions avant Monsieur ».
« Bien sur que non. Je suis Marcello Teremonti : il me prendra sans aucun doute. Je ne suis pas un petit musicien de bas étage, je n'ai pas besoin de passer une audition » vociféra-t-il.
« C'est de la triche » dit Adriano avec agacement.
« Pour qui te prends tu pour me parler sur ce ton ? Oh je crois comprendre : tu espères peut-être que Bernardo Raluti te donnera cette place tant convoitée ? Ne te fais pas d'illusion, petit, tu ne feras jamais carrière dans la musique ! »
« Je passerai cette audition même sans votre accord ».
Anaïs n'avait rien dit pendant toute leur conversation. Elle s'était d'ailleurs éclipsée à l'extérieur de la loge. Au même instant, Marcello sourit diaboliquement. Il avait une idée en tête et comptait bien la mettre à exécution. Il sortit alors de sa loge, enferma le jeune garçon et partit à la rencontre du chef d'orchestre.
« Je vais t'enfermer ici le temps de voir Raluti. Je viendrai te chercher une fois que tout le monde aura passé les auditions. Tu peux dire adieu à tes rêves, gamin ».
« Pourquoi faites-vous cela ? »
« Parce que tu as du talent, certainement plus que moi. Je refuse que tu sois un obstacle à ma gloire. Tiens toi tranquille jusqu'à ce que je revienne ! »
Adriano tambourinait à la porte avec force. Il maudissait Marcello. Anaïs retourna vers la loge pour essayer d'aider son ami.
« Adriano, je vais te sortir de là, ne t'en fais pas ».
« Comment comptes-tu faire ? Marcello a verrouillé la porte. Il a pris la clef avec lui ».
Anaïs réfléchit un instant et se souvint de son aventure chez les pirates. Elle était parvenue à libérer les jumeaux avec un couteau, elle allait sûrement réussir à déverrouiller la serrure de la loge.
« Adriano, regarde autour de toi : est ce que tu vois un objet fin qui pourrait actionner le mécanisme de la serrure ? »
« Laisse-moi un instant »
Il regarda dans la loge mais ne voyait pas ce qui aurait pu servir à Anaïs. Il chercha encore et encore et finit par trouver des trombones accrochés à des partions. Il les retira, en prenant soin de ne pas mélanger les feuillets, et les fit passer sous la porte. Anaïs les récupéra et les tordit. Elle les introduisit ensuite dans la serrure, les remuant dans tous les sens. Le temps semblait défiler : la petite fille n'arrivait pas à déverrouiller la porte. Cela faisait plus de deux heures qu'Anaïs essayait de faire sortir Adriano lorsque le mécanisme finit enfin par céder.
« Anaïs tu es géniale, il faudra que tu m'expliques ton secret ». dit Adriano en serrant son amie dans ses bras.
« Plus tard : tu dois d'abord passer l'audition ».
« Je dois aller chercher mon accordéon avant, il faut que je retourne chez moi ».
« D'accord, dépêchons-nous ».
Ils coururent aussi vite que possible vers la maison d'Adriano. Ils devaient récupérer son accordéon. Ils dévalèrent les rues de Berthovino, passèrent devant la boutique d'Angelo et se retrouvèrent bientôt devant la maison du jeune garçon. Adriano alla chercher son accordéon. Les habitants du quartier virent les deux enfants faire le chemin inverse à grandes enjambées. Le théâtre apparut bientôt à leur vue. Ils montèrent l'escalier et traversèrent les couloirs menant à la grande salle. Ils espéraient qu'ils n'arrivaient pas trop tard. Pourtant, quand ils entrèrent dans la grande salle du théâtre, ils entendirent Bernardo Raluti annoncer la fin des auditions.
« Les auditions sont à présent terminées. Merci à tous d'être venus ».
« Attendez, attendez »
« Qui y a-t-il ? »
« Monsieur Raluti, je m'appelle Adriano. Je souhaiterais participer aux auditions, s'il vous plaît »
« Nous avons terminé, mon garçon, je suis navré ».
« Oui ne faites pas attention à lui, il n'est pas musicien, il m'aide dans mon travail ». Marcello était intervenu, essayant d'empêcher le jeune accordéoniste de montrer son talent.
« Vous me faites perdre mon temps. Je vais y aller. Monsieur Teremonti, pouvons-nous nous entretenir tous les deux? »
« Bien sûr, venez dans ma loge ».
Ils s'apprêtaient à partir. Les autres musiciens retournèrent répéter ou rentrèrent chez eux. C'en était fini des rêves d'Adriano. Seulement Anaïs était là pour l'aider. Elle lui souffla de sortir son accordéon et de jouer : peu importait que les auditions soient terminées, il allait passer outre. Il prit son accordéon, l'accrocha à sa poitrine et commença à jouer. D'abord faibles, les sonorités prirent de l'importance. Sa musique était magique. Bien sûr, Anaïs avait déjà entendu Adriano jouer mais là, l'émotion était d'une puissance inégalée. Son talent n'avait pas échappé à Bernardo Raluti : il s'était arrêté net et était revenu dans la grand salle du théâtre. Il était comme figé. Marcello essayait de faire diversion mais plus rien ne comptait qu'Adriano. Ses doigts couraient sur les touches, ses joues étaient rouges de concentration, son front perlait de sueur : il vivait chaque note, ressentait chaque accord. Son accordéon et lui ne faisaient qu'un dans cet endroit dédié aux arts. Les élèves regardaient Adriano avec admiration. Il termina son morceau et ouvrit les yeux. Il constata alors que tout le monde le regardait.
« Mon garçon, vous ne manquez pas d'audace, sachez-le ». dit Bernardo Raluti.
« C'est une habitude dans la famille : lorsque nous voulons quelque chose, nous essayons de l'obtenir par tous les moyens ».
« Je vois. Vous voulez bien me suivre, je vous prie ? »
Il se tourna alors vers Marcello Teremonti.
« Pourrais-je utiliser votre loge, Monsieur Teremonti ? »
« Oui, évidemment ». dit le violoniste avec un sourire mauvais.
Le chef d'orchestre précédé de Marcello avec Adriano allèrent dans la loge. Anaïs était partie chercher Héléna, la mama d'Adriano car elle sentait que son fils aurait besoin de son aide. Marcello était persuadé d'obtenir le rôle et Adriano avait le sentiment qu'il allait se faire renvoyer. Ils s'installèrent tous les trois dans la loge et Raluti prit la parole.
« Je dois vous avouer que j'ai été très surpris de votre demande, Monsieur Teremonti. Nombre de personnes m'ont parlé de votre talent et je reconnais que vous n'en manquez pas ».
« Quel plaisir de vous l'entendre dire, Monsieur Raluti ».
« Seulement, je n'ai pas l'habitude de prendre quelqu'un dans un spectacle sans lui avoir fait passé une audition et je trouve que votre attitude a été déloyale, autant pour moi que pour les autres ».
« Je ne suis pas certain de comprendre ».
« J'aime les gens comme vous qui ont du talent mais j'apprécie plus encore les personnes qui jouent avec passion et envie comme ce jeune garçon. La musique est un art qu'il faut chérir et aimer la partager. Je crois que ce n'est pas votre cas : c'est pourquoi je ne vais pas vous prendre comme premier violoniste ».
« Comment osez-vous ?! Vous n'êtes qu'un vulgaire chef d'orchestre, j'ai de l'influence, un mot de ma part et votre carrière prendra fin sur le champs »
« Calmez-vous voyons Monsieur Teremonti, rien de ce que vous pourrez dire ne me fera changez d'avis ».
« Vous préférez prendre ce gamin plutôt que moi, quel honte à votre profession, quel déshonneur ».
« Je ne vois pas en quoi Adriano représente un quelconque déshonneur ! »
Héléna venait d'arriver avec Anaïs dans la loge. Elles avaient entendu toute la conservation. La belle Italienne n'était vraiment pas contente après Marcello.
« Mon fils a bien plus d'honneur que vous n'en aurez jamais, bien plus de passion que vous n'en possédez. Je vous interdis de dire du mal de mon fils, Monsieur ».
« Madame, je ne voulais pas être insultant » répondit Marcello confus.
« Cela suffit, Teremonti. Vous êtes un odieux personnage qui méprisez tout ceux qui vous côtoient. Avoir du talent ne veut pas dire que vous devez être arrogant. J'ai parlé au directeur du théâtre. A votre place, je me dépêcherais d'aller le voir ».
Marcello ne se fit pas prier. Raluti se tourna alors vers Adriano.
« Mon garçon, dis-moi, où as tu appris à jouer de l'accordéon ? »
« J'ai appris seul, Monsieur, à l'oreille et avec mon cœur. Dans mon quartier, tout le monde joue de la musique, c'est un peu comme respirer vous voyez ».
« Je comprends ce que tu veux dire. Alors si tu es d'accord, je souhaite que tu intègres mon spectacle en tant que premier accordéoniste de la troupe. Nous commencerons les répétitions dès demain avec une première représentation dans ce théâtre même et nous partions ensuite à travers le pays pour partager notre musique ».
« Oh ce serait un très grand honneur Monsieur Raluti. Merci, mille fois merci ».
Adriano se tourna vers Anaïs et sa mama. Il leur sauta au cou et les remercia de lui être venu en aide.
« Je crois que c'est l'occasion de faire de nouveau la fête mon fils » dit Héléna.
Ce soir là, tout le quartier fêta la nomination d'Adriano. Bernardo Raluti avait été convié de même que tous les élèves du théâtre et tous les amis du jeune musicien. Les gens dansaient, tout le monde riait. Marcello arriva au milieu de la soirée et se dirigea tout droit vers Adriano.
« Petit, je dois te parler »
Adriano le suivit. Héléna avait remarqué la présence de Marcello et les suivit avec Anaïs.
« Adriano, je voulais m'excuser de tous ces moments où j'ai été cruel avec toi. L'intervention de ta mama m'a fait ouvrir les yeux : j'ai perdu la passion qui m'animait. Je vais partir du théâtre, prendre quelques jours de repos et me recentrer sur ce que j'aime dans la musique. Je te souhaite beaucoup de réussite dans cette nouvelle vie qui t'attend ».
Adriano n'en croyait pas ses yeux.Il savait que chaque personne avait un bon fond, enfin le croyait-il et il était heureux de constater cette vérité avec Marcello. Il remercia le violoniste et lui souhaita bon courage. Ce dernier adressa un bref signe de tête à Héléna et Anaïs et s'en alla. La fête dura tard dans la nuit et Anaïs se sentit une fois de plus comblée d'avoir pu rencontrer de si belles personnes. Les habitants de Berthovino décidèrent de dormir à la belle étoile, ce soir là afin de profiter le maximum de cette si belle ambiance. Tout le monde s'endormit bien vite : Anaïs était heureuse car elle avait pu aider son ami Adriano à réaliser son rêve. Elle ne demandait rien de plus.
Elle se réveilla dans sa chambre chez ses grands-parents. Elle ouvrit grand les yeux et adressa un dernier remerciement à l’Étoile du soir. Elle se leva et remarqua à ses pieds une petite boîte. Dedans se trouvait une partition : c'était un morceau pour violon et accordéon écrit par Bernardo Raluti et Adriano. Une écriture à quatre mains intitulée « Douce Anaïs ». Avec le morceau se trouvait un petit mot : « Un grand merci pour ton aide et ta générosité. Avec mon amitié, Adriano. PS : L’Étoile du soir est un vrai ange gardien ». Elle était ravie et sortit de sa chambre en courant. Elle voulait absolument en faire profiter ses grands-parents et notamment son grand-père. Ils rirent de bon cœur en écoutant leur petite-fille leur raconter son aventure. Les quatre jours qui suivirent furent dédiés à la répétition du spectacle qu'Anaïs et ses grands-parents préparèrent pour Jack et Joanne. La petite fille fut nerveuse le jour du grand final mais le résultat fut extraordinaire. Anaïs avait fait de gros progrès, ses grands-parents s'étaient beaucoup amusés, revivant un peu de leur jeunesse lors des soirées guinguettes ou des bals de leurs villages respectifs. Les parents d'Anaïs étaient émus de voir leur fille si épanouie. Chacun avait vécu ce spectacle avec beaucoup d'émotion. Ils avaient vécu un moment unique, tous unis par le même sentiment : le plaisir d'être ensemble et un amour fort et sincère.
FIN
Anaïs et l'Île sucrée de Chocolata
Anaïs lut la recette de la tarte aux pommes au caramel au beurre salé à haute voix :
« Il nous faut une pâte feuilletée, 5 pommes, 30 g de sucre et pour le caramel, il nous faut 100g de sucre, 8 cl de crème liquide et 25 g de beurre salé. Pour la recette, Grand-mère, il faut commencer par préparer les pommes, il faut les peler et les couper en tranches. Ensuite, il faut qu'on prenne une poêle. On doit faire fondre le beurre, ajouter les pommes et le sucre. On doit laisser caraméliser pendant 15 minutes tout en mélangeant. Les pommes doivent ensuite refroidir ».
« Et pour le caramel, ma chérie que doit-on faire ? »
« Il faut mettre la crème liquide au four à micro-ondes. Dans une casserole, on doit ajouter le sucre en poudre et le faire cuire à feu moyen. Il faut remuer la casserole en la secouant, mais surtout ne pas mélanger avec une cuillère. Quand le sucre va prendre une couleur rousse, on enlève la casserole du feu et on ajoute la crème liquide. On doit ajouter le beurre coupé en morceaux. Après, on remet la casserole sur un feu doux et on mélange pour qu'il n'y ait plus de morceaux. Ensuite, on prépare la pâte feuilletée, on met le caramel et on place les pommes. On doit laisser cuire pendant 30 minutes ».
« Très bien ! Alors mettons-nous au travail. Pour encore plus de gourmandise, nous allons rajouter la compote de pommes que j'ai faite hier, qu'en dis tu ?» dit Reine.
« Oh oui, très bonne idée, Grand-mère ».
Anaïs passait l'après-midi chez ses grands-parents. Son grand-père regardait la télévision : il était concentré sur une course de vélos. Les coureurs montaient un col de montagne très raide. Gustave encourageait les cyclistes. Anaïs et Reine étaient dans la cuisine. Le soleil illuminait la pièce. La grand-mère et la petite fille préparaient le goûter. Anaïs adorait cuisiner : elle aimait les bonnes odeurs qui se dégageaient du four et des casseroles. Reine l'avait initié très tôt, lui apprenant des recettes et des techniques. La petite fille avait vite montré des talents pour la cuisine. Elle pouvait faire beaucoup de choses toute seule et cela la rendait très heureuse. Aujourd'hui, ses parents venaient prendre le goûter avant qu'ils ne repartent tous les trois. Son après-midi avait été formidable et elle voulait qu'il se termine dans la joie. Elle voulait donc que sa tarte aux pommes soit parfaite ! Sa grand-mère éplucha les pommes et les coupa en tranches fines. Anaïs déplia la pâte feuilletée, prit une fourchette et piqua la pâte. Les trous formèrent une spirale, mais allaient surtout permettre de laisser la pâte respirer pendant la cuisson. Elle ajouta ensuite de la compote et déposa les morceaux de pommes. Reine fit ensuite le caramel : quand celui-ci fut prêt, elle recouvrit les pommes. Elles terminèrent ensuite la recette et mirent au four la tarte. De l'autre côté de la cuisine, on entendait toujours Gustave encourager les cyclistes. Reine et Anaïs rangèrent la cuisine et la petite fille rejoignit son grand-père. La course venait de prendre fin.
« La tarte est dans le four Grand-père. Elle sera bientôt prête. J'espère qu'elle sera bonne ! »
« Je n'ai pas de doute là-dessus, mon poussin. Ta grand-mère et toi réussissez toujours vos recettes ».
« Dis Grand-père, pendant que la tarte cuit, est-ce que je peux aller voir les lapins de Monsieur Henri : Grand-Mère m'a dit que les petits venaient juste de naître ».
« Nous allons y aller tous les deux. Il y a longtemps que je n'ai pas pris l'air. Je vais juste informer ta grand-mère que nous sortons ».
Gustave alla informer Reine de leur sortie tandis qu'Anaïs mettait son manteau. Elle attendit ensuite son grand-père dans l'entrée de la maison. Anaïs et son grand-père passèrent la fin d'après-midi ensemble, admirant les bébés lapins du voisin. Ils étaient si mignons qu'Anaïs demanda à Gustave si elle pouvait en adopter un. Son grand-père lui expliqua qu'il serait plus heureux au grand air que dans une maison, enfermé dans une cage. La petite fille en fut un petit peu attristée, mais le voisin lui promit qu'elle pourrait revenir voir les lapins dès qu'elle le voudrait. Anaïs adora cette proposition et retrouva très vite le sourire.
« Rentrons ma chérie. Ta tarte aux pommes doit être prête et tes parents doivent sûrement être arrivés ».
« Tu as raison. Vite, vite, Grand-père, ne perdons pas de temps » répondit Anaïs qui courait en direction de la maison.
« Attends-moi Anaïs, je ne vais pas aussi vite que toi ! » dit Gustave en riant.
« Quelle tarte délicieuse ! C'est un vrai régal ! » dit Jack.
« Oui c'est vrai, bravo à toutes les deux » reprit Joanne.
Anaïs était aux anges. Tout était parfait. Il fut bientôt temps de dire au revoir à ses grands-parents. Sur la route du retour, Anaïs raconta à ses parents sa visite aux lapins et combien elle les avait trouvé mignons. La maison fut rapidement en vue. En arrivant, la petite fille alla jouer un moment. Elle revint ensuite dans le salon pour aider sa maman à mettre la table pendant que Jack préparait le repas. Une fois encore, il fut très animé. Anaïs alla ensuite se préparer pour la nuit. Après un bon bain chaud, elle se plongea sous ses couvertures. Sa mère lui lut une histoire. Quand Joanne eut terminé, elle donna un baiser à sa fille, Jack les rejoignit et fit de même. Ils quittèrent la chambre et dès que la porte se referma, Anaïs alla en direction de la fenêtre. Comme toujours, elle pria l’Étoile du soir. Elle ne se lassait jamais de ce moment. Elle aimait cette impression de faire partie d'un monde magique. Sa grand-mère disait qu'elle avait la Foi. Elle ne savait pas trop ce que cela voulait dire, mais elle sentait de la magie autour d'elle et cela lui suffisait. Elle pria donc une nouvelle fois, pria pour vivre une grande aventure. Elle ferma les yeux et espéra très fort. Elle alla ensuite dans son lit, serra ses peluches contre elle et s'endormit, l'air apaisé.
Une odeur de chocolat vint chatouiller les narines d'Anaïs. Elle ouvrit les yeux. Sa surprise fut immense. Elle se trouvait dans une grande verrière d'où elle pouvait voir le ciel. Elle se releva et observa l'endroit autour d'elle. Elle vit des fleurs immenses s'élever vers les nuages. En y regardant bien, Anaïs trouva que les fleurs avaient une forme étrange. Ce n'étaient pas des fleurs mais des bonbons roses qui ressemblaient à des fraises. Un grand escalier menait à une salle en contrebas. Des voix s'en élevaient. Anaïs se dirigea vers elles. La petite fille se retrouva face à des personnes de petites tailles, très rondes. Elles ressemblaient à des bonbons, habillées comme des berlingots. Anaïs n'avait pas encore atteint le bas de l'escalier que déjà elle était accueillie par une foule immense. Tout le monde lui souriait. Une petite dame sortit du groupe qui s'était formé autour de la fillette.
« Mes enfants, allons calmez-vous, un peu de silence. Laissez notre chère amie respirer. Approche belle enfant, approche. Je suis Blinda ».
Blinda avait de petites lunettes en forme de papillotes. Elle portait de petites chaussures bleues et une robe jaune. Ses cheveux étaient roses, bouclés et courts. Elle avait de petites joues roses dodues.
« Bienvenue sur l'île sucrée de Chocolata, Anaïs ».
« Comment connaissez-vous mon nom ? »
« Te souviens-tu de Madame Rose de l'île des anniversaires ? »
« Oui bien sûr ! »
« Nous sommes cousines ! Elle m'a beaucoup parlé de toi et du fabuleux cadeau que tu as fait pour la Mère Michelle ! Quelle merveille !
« Oh merci beaucoup ! Madame Rose était vraiment gentille ! »
Avant même qu'elle ai pu poser les questions qui se bousculaient dans sa tête, un petit bonhomme accouru vers Blinda et Anaïs.
« Blinda, Blinda. Nous n'avons plus de farine, toutes les réserves sont vides. J'ai vu de grandes traces de pas dans les granges. C'est sûrement son frère qui a tout pris ! Il doit venir voir les préparatifs dans quelques instants : comment allons nous faire ? »
Des exclamations de stupeur fusèrent. Blinda les arrêta d'un geste de la main.
« Qui doit venir ? » demanda Anaïs.
« L'Ogre Gourmand. C'est notre protecteur ».
« Votre protecteur ? »
« Oui. Il protège l'île. Viens Anaïs, je vais te raconter notre histoire. Terry, il faut protéger les autres ingrédients. Préviens les maîtres glaciers. Nous devons nous préparer à tout. Quant aux autres, vous savez ce que vous avez à faire ».
Terry courut aussi vite que ses petites jambes le lui permettaient. La grande verrière fut bientôt vide. Il ne restait que Blinda et Anaïs.
« Tu dois être un peu perdue, je présume ».
« Oui » avoua la petite fille.
« Je vais te faire visiter l'île et tout te raconter. Je suis persuadée que ton arrivée n'est pas un hasard. L’Étoile du Soir ne fait jamais les choses pour rien ».
« On m'a déjà dit cela » dit Anaïs en souriant.
Blinda et Anaïs sortirent de la grande verrière. Anaïs avait hâte de découvrir l'île sucrée de Chocolata. Elle ne fut pas déçue : l'île était merveilleuse. Elle regorgeait d'endroits magnifiques. Blinda l'emmena voir l'atelier des oursons en gélatine et celui des guimauves au chocolat. Elles se rendirent ensuite dans les champs de blé. De petites personnes travaillaient le blé quand elles virent arriver Blinda et Anaïs. Elles leur adressèrent des sourires et des grands gestes de la main. Anaïs leur rendit leur sourire.
« Voici notre monde, Anaïs. Nous vivons dans un univers enchanté et sucré. Nous essayons de vivre en harmonie entre berlingotins et nature ».
« Des berlingotins ? » demanda Anaïs.
« C'est comme cela que les habitants de l'île sucrée de Chocolata se nomment. Retournons à la grande verrière à présent : j'imagine que tu dois avoir faim. Je vais te préparer un merveilleux petit déjeuner et pendant ce temps-là, tu pourras me poser toutes les questions que tu veux » dit Blinda en souriant.
Après avoir avalé un bon petit déjeuner, Anaïs posa la question qui lui brûlait les lèvres.
« Blinda, comment est l'Ogre Gourmand ? »
« Que veux-tu dire ? »
« Et bien dans mon monde, les ogres ne sont pas toujours gentils. Il y en a même qui mangent des enfants ».
« Vraiment ? C'est horrible ! Rassure-toi, l'Ogre Gourmand n'est pas du tout comme cela. Il est très gentil. Il est aussi magicien. C'est lui qui fournit à l'île tous les ingrédients nécessaires à la confection des bonbons et des gâteaux ».
« C'est merveilleux. Mais alors pourquoi est ce qu'il n'y a plus de farine ? L'Ogre Gourmand peut en faire apparaître, non ? ».
« Tu as raison, mais depuis quelque temps, sa magie est moins puissante. Il a donc fait pousser du blé pour que nous puissions avoir de la farine » lui répondit la berlingotine.
« Alors tout est arrangé non ? »
« Oh, nous aurons à nouveau de la farine mais ce soir, c'est l'anniversaire de l'Ogre Gourmand et sans farine nous ne pourrons pas faire son gâteau. Tout cela est la faute de l'Ogre Glouton ».
« Qui est-ce ? »
« C'est le frère jumeau de l'Ogre Gourmand. Il est très jaloux. Il est aussi magicien mais il garde tous les ingrédients, les bonbons et les gâteaux pour lui. Les deux ogres ont créé l'île ensemble mais ils n'avaient pas la même façon d'utiliser leurs pouvoirs ».
« Que s'est-il passé ? »
« Et bien, les berlingotins sont nés de l'imagination de l'Ogre Gourmand. Nous naissons dans les berlingots chaque printemps. Il souhaitait que nous puissions l'aider à rendre les enfants heureux avec des bonbons et des gâteaux. L'Ogre Glouton a été très jaloux de notre arrivée ».
« C'est donc l'Ogre Glouton qui a pris toute la farine ?».
« Qui d'autre aurait pu faire cela ? Nous devions réaliser un immense gâteau au chocolat pour l'Ogre Gourmand pour son anniversaire mais sans farine, la fête risque d'être annulée ».
« L'Ogre Glouton est peut-être jaloux parce que personne n'a pensé à faire une fête pour lui » dit la petite fille.
« Oh... Il est vrai que personne n'avait pensé à cela » répondit Blinda, ses joues prenant une légère teinte rosée.
« Il doit être très triste alors. Pauvre, pauvre Ogre Glouton.»
« Viens Anaïs, nous devons allez voir l'Ogre Gourmand » dit précipitamment Blinda.
Anaïs était enchantée mais un peu effrayée de rencontrer l'Ogre Gourmand. Elle espérait qu'il ne faisait pas trop peur. Blinda convoqua tous les berlingotins à la rejoindre dans la grande verrière. Elle avait une annonce de la plus haute importance à leur annoncer.
« Mes amis, nous avons commis une énorme injustice ».
« Que veux-tu dire ? » lui demanda Terry.
« Vous savez tous que l'Ogre Gourmand et l'Ogre Glouton sont frères jumeaux ».
Blinda n'eut pas le temps de terminer sa phrase que déjà les berlingotins poussèrent des cris d'exclamations.
« L'Ogre Glouton est moche, il sent mauvais, il est plein de verrues ».
« Il a volé toute la farine, il est jaloux et méchant ».
« Quelqu'un l'a déjà vu ou lui a déjà parlé ? »
Un silence net empli la salle. Anaïs venait de poser une question importante à laquelle personne ne semblait pouvoir répondre.
« Et bien en vérité ma chérie, personne ne l'a jamais vu. Il est parti dès l'arrivée des premiers berlingotins » dit Blinda.
« Alors, tout ce que vous savez de lui ne sont que des rumeurs ».
Les berlingotins rougirent violemment en signe de réponse.
« Savez-vous où l'Ogre Glouton se trouve ? » demanda Anaïs.
« Il habite dans la vallée des réglisses » dit une voix forte et grave.
Dans un même mouvement, les berlingotins se tournèrent vers la personne qui venait de parler.
« Ogre Gourmand, quelle belle surprise ! Que faites-vous ici ? » interrogea Blinda.
« Je voulais voir se passaient les préparatifs de la fête mais j'ai appris que les réserves de farine avaient été vidées. Comment cela se fait-il Blinda ? »
« Et bien, nous ne savons pas encore »
« Allons Blinda, je suis certain que c'est lui. Il ne supporte pas les anniversaires ».
Les yeux de l'Ogre se posèrent alors sur Anaïs.
« Il ne me semble pas connaître la personne qui se trouve auprès de vous, Blinda».
« Ogre Gourmand, je vous présente Anaïs. C'est la protégée de l’Étoile du Soir » répondit la petite femme.,
« Ah vraiment. Est-ce toi qui réalises les miracles de notre monde depuis quelques mois ? »
« Que voulez-vous dire ? » dit Anaïs d'une petite voix.
« Rien... Passons. Nous devons récupérer notre farine. Je vais faire venir la garde des berlingotins ».
« Vous voulez mener une bataille contre votre frère ? » demanda Anaïs.
« Que veux-tu faire d'autres ? Comment préparer un gâteau sans farine ?! »
« Et bien, vous pourriez l'inviter à la fête ? »
« Quelle drôle d'idée !»
« Pourquoi cela ? »
« Nous sommes fâchés, voilà pourquoi ! »
« Pourquoi êtes-vous fâchés ? » insista Anaïs.
« Cela ne te regarde pas, petite fille ! »
Les berlingotins et Blinda assistaient médusés à la conversation entre l'Ogre et Anaïs. Jamais, ils n'avaient vu leur protecteur de mauvaise humeur ou se montrer impoli avec un nouveau venu.
« Alors pourquoi suis-je ici ? »
« Et bien, je ne sais pas : l’Étoile du Soir a dû se tromper sur ton compte. Ta gentillesse et ton optimise ont peut-être aidé d'autres gens, mais ce ne sera pas le cas ici. Tu ne peux rien faire pour nous aider ».
« L’Étoile du Soir ne se trompe jamais » dit simplement Blinda.
« Et bien, il y a un début à toute chose chère Blinda » dit l'Ogre Gourmand en fronçant les sourcils.
« Une fois, je me suis disputée avec mon amie Nina. Une camarade de classe lui avait dit que je ne voulais plus jouer avec elle et que je la trouvais bête. Ce n'était pas vrai mais Nina a cru notre camarade. Nous nous sommes fâchées et n'avons pas été très gentilles l'une envers l'autre. Cela m'a rendue très triste. Nous nous sommes réconciliées parce que nous sommes de vraies amies et que nous sommes plus fortes ensemble que séparées. Quand on aime vraiment quelqu'un, il est impossible de rester fâché pour toute la vie. Et toute la vie, c'est très long ».
L'Ogre Gourmand regarda fixement Anaïs.
« Qu'essaies-tu de me dire ? »
« Si vous ne voulez pas me dire le sujet de votre dispute, je comprends mais essayez de vous réconcilier avec l'Ogre Glouton. La famille, c'est important. Vous avez la chance d'avoir un frère. Vous pourriez vous amuser ensemble, rendre cette île encore plus magique, encore plus belle. A deux, on est toujours plus fort ».
« Pourquoi devrais-je faire le premier pas alors que c'est lui qui est jaloux comme un poux ? »
« Cela demande du courage et vous en avez, j'en suis certaine. Il est plus facile de rester en colère que de pardonner. Et puis, s'il est jaloux de vous, c'est peut-être qu'il voudrait vous ressembler parce qu'il est fier de vous ? »
« Oh ma chérie, ce sont là de très jolies paroles » dit Blinda en essuyant une larme qui coulait sur sa joue.
« Que puis-je faire ? » reprit l'Ogre Gourmand.
« Organisez la fête de votre anniversaire pour lui »
Les berlingotins tremblèrent de peur et L'Ogre Gourmand fronça les sourcils, preuve de son mécontentement.
« Il ne faut pas avoir peur et aller de l'avant. Invitez votre frère et fêtez vos anniversaires ensemble. Allez chercher votre frère dans la vallée des réglisses » s'exclama Anaïs.
« Si je me rends dans la vallée des réglisses, ce sera pour récupérer la farine et rien d'autre»
« Gourmand, je crois qu'Anaïs a raison. Il est temps de pardonner » dit Blinda.
« Alors vous aussi Blinda ? Vous pensez que cette petite a raison ».
« Pardonner c'est faire preuve de sagesse ».
« Très bien. Qui pense que Blinda et Anaïs ont raison » interrogea l'ogre en se tournant vers les berlingotins.
Personne ne répondit mais Terry finit par lever la main puis une autre main se leva, deux trois, tous les berlingotins levèrent la main. Ils avaient entendu le message d'amour d'Anaïs.
« Je vois... Il semble que tout le monde soit d'accord. Dans ce cas, nous partons dans une heure » dit l'Ogre Gourmand en regardant la petite fille.
Elle avait peut-être quelque chose en plus finalement. Sans doute ce que les humains appelaient la Foi. Il quitta la grande verrière, silencieux et le regard grave. Son pas était lent et il avait le dos voûté, comme écrasé par le chagrin. Cela contrastait avec les berlingotins qui s'agitaient tout autour d'Anaïs. Elle faillit même tomber tant les gens autour d'elle couraient en tout sens. Blinda la rattrapa et la guida à l'écart du groupe.
« Mon enfant, l'Île sucrée de Chocolata est en train de vivre un nouveau chapitre de son histoire ».
« Je ne sais pas si c'était une bonne idée. L'Ogre Gourmand a l'air fâché ».
« Rassure-toi, Anaïs, l'Ogre Gourmand est gentil mais un peu têtu. Il t'a écouté : laisse-lui le temps de prendre conscience de tout ce qui va changer »
« Mes chers amis, mettons nous au travail. Nous avons une grande fête a préparé ! » dit Blinda.
Anaïs sortit de la grande verrière. Elle respira à plein poumons. Une odeur de vanille vint lui chatouiller les narines. Cela lui donna le sourire et aussi plus de courage pour aller parler à son grand ami. Elle le trouva assis au bord de la falaise des cannes à sucre.
« Ogre Gourmand, tout va bien ? »
« Je ne sais pas trop, petite fille. Il y a si longtemps que mon frère et moi sommes fâchés ».
« Je serais là pour vous aider ! Vous verrez tout ira bien » s'exclama Anaïs avec un grand sourire.
Anaïs et l'Ogre Gourmand se trouvaient à la frontière de la vallée des réglisses. L'atmosphère étai lourde. Deux mondes semblaient s'affronter alors qu'il s'agissait du même royaume, de la seule et unique Île sucrée de Chocolata.
« Ce n'était pas une bonne idée. Nous devrions faire demi-tour » dit l'Ogre Gourmand.
« De quoi avez-vous peur ? » demanda Anaïs.
« Il y a si longtemps que mon frère et moi ne nous sommes pas vus. Que vais-je bien pouvoir lui dire ? »
« Vous pourriez commencer par lui dire bonjour » dit simplement la petite fille.
Il prit sa main et tous deux se dirigèrent vers le territoire de l'Ogre Glouton. Anaïs sentait les doigts immenses de l'Ogre Gourmand entourant sa main minuscule. Elle savait que l'Ogre Gourmand avait peur. C’était étonnant pour un ogre mais tout le monde avait peur de quelque chose. Elle aussi connaissait ce sentiment. Il lui arrivait parfois d'avoir peur de parler à son ami Nina quand elles s'étaient disputées ou d'affronter une araignée toute seule lorsqu'il y en avait une dans sa chambre. Anaïs serra plus fort la main de l'ogre pour lui donner du courage. Ils marchèrent en silence. L'environnement avait changé : les arbres étaient noirs comme le réglisse. Une rivière noire s'écoulait le long de grandes berges noires. Bientôt, l'ogre et la petite fille arrivèrent devant un petit ponton de bois qui permettait de relier les deux bords de la rivière. Ils allaient traverser le pont lorsqu'un réglisse roula vers eux et se déroula en un petit bonhomme.
« Personne ne passe ».
« Pourquoi cela ? » demanda Anaïs.
« C'est ainsi, personne ne passe » reprit le bonhomme réglisse en fronçant les sourcils.
« Nous venons voir l'Ogre Glouton ».
C'est à cet instant que le bonhomme réglisse leva la tête. Ses yeux s'écarquillèrent et sa bouche forma distinctement un rond.
« Au secours, au secours ! A moi, l'Ogre Gourmand veut me manger ! »
« Mais que tu dis,voyons ! Je viens faire la paix avec lui »
« C'est faux, c'est faux, tu veux me manger ! »
« S'il te plaît, écoute-nous, petit homme » dit calmement la petite fille.
Elle n'eut pas le temps de lui expliquer la situation que déjà d'autres bonhommes réglisses venaient à leur rencontre. Les cris du gardien du pont avaient alerté les autres habitants de cette partie de l'île.
« Oh, quel malheur ! L'Ogre Gourmand vient nous manger ! »
« Bien sûr que non, il est très gentil » dit Anaïs en haussant un peu plus la voix.
Le sol trembla soudain.
« Qui ose entrer dans mon royaume ? »
« Je vois que tu es toujours aussi accueillant, Glouton »
L'Ogre Glouton s'avança un peu plus vers le ponton.
« Que viens-tu faire ici, Gourmand ? »
« Je viens faire la paix ».
« Et bien, tu as perdu ton temps ! Retourne chez toi, nous n'avons rien à nous dire ».
« Très bien. Alors rends-moi au moins la farine que tu as volé ! » lui répondit son frère.
« De quoi parles-tu ? Je n'ai rien volé du tout ! » dit l'Ogre Glouton.
« Je ne te crois pas ! Tu es un menteur ! »
« Tu vas regretter ces paroles ! Après toutes ces années, tu reviens pour me traiter de voleur et de menteur ! ».
L'Ogre Glouton bomba le torse et serra les poings, l'air menaçant. L'Ogre Gourmand l'imita. Ils étaient sur le point de se battre.
« Attendez ! Vous n'allez pas vous battre ?! »
« Qui es-tu toi ? » dit l'Ogre Glouton.
« C'est Anaïs, ma nouvelle amie » lui répondit l'Ogre Gourmand.
« Ne te mêle pas de nos histoires, petite fille ».
« Vous nous jurez que ce n'est pas vous qui avez volé la farine ? » dit Anaïs, la voix tremblante mais le cœur plein de courage.
« Bien sûr que ce n'est pas moi. Pourquoi ferais-je cela ? »
« Pour nous empêcher de faire des gâteaux par exemple et en faire rien que pour toi » dit Gourmand.
« Je n'ai pas besoin de ta farine pour cela ».
« Alors où est-elle ? »
«Et bien, tu as dû la perdre. Tu n'as jamais su être ordonné. J'imagine que les choses n'ont pas changé depuis toutes ces années ».
« C'est donc moi que tu traites de menteur ?! Si ce n'est pas toi, ce sont peut-être les réglissiens ?» hurla l'Ogre Gourmand.
« J'ai confiance en eux. Je ne peux pas dire la même chose des berlingotins » rétorqua l'Ogre Glouton.
Les choses tournaient vraiment mal. Anaïs n'avait pas voulu créer une nouvelle dispute entre les deux frères. Elle regarda les deux frères prêts une nouvelle fois à en venir aux mains. Les deux frères s'avancèrent vers le ponton. Il trembla lorsque les ogres montèrent dessus. Régis le réglisse, le gardien du ponton étouffa un hurlement de peur.
« N'avancez plus ! Le ponton risque de s’écrouler et vous allez tomber dans le glaçage en chocolat ».
Les deux ogres reculèrent : ils ne pouvaient pas tomber dans le glaçage car comme tout le monde le sait, les ogres y sont allergiques. S'ils tombaient, de gros boutons allaient apparaître sur tout leur corps.
« S'il vous plaît, écoutez-moi. Vous ne pouvez pas vous battre, on ne peut pas faire cela entre frères. La farine n'a pas pu disparaître toute seule et je vous crois tous les deux quand vous dites que ce n'est pas vous. » dit Anaïs le cœur battant.
Les ogres la fixèrent, mais ne dirent rien. Le silence s'installa. Les réglissiens s'agitèrent alors et Régis s'écria :
« Regardez des gens arrivent ! »
Deux personnes arrivaient vers le groupe. Elles semblaient inquiètes.
« Blinda, Terry, que faites-vous là ? » demanda l'Ogre Gourmand.
« Oh, par toutes les guimauves, nous arrivons à temps. J'étais si inquiète » dit la berlingotine.
« Pourquoi ? » demanda Anaïs.
Blinda reprit son souffle et posa sa main sur l'épaule de Terry.
« Terry, mon petit, l'heure est venue de dire la vérité. Raconte-leur ce que tu m'as dit. Tout ira bien » assura Blinda.
Terry baissa la tête mais Anaïs lui prit la main pour lui donner du courage. Il la regarda : elle lui souriait. Il lui rendit son sourire, respira à pleins poumons et observa les autres. Il lâcha la main d'Anaïs et se dirigea vers le ponton. Il fut rejoint par Régis. L'étonnement était de plus en plus grand.
« Régis et moi sommes amis, les meilleurs amis du monde même » déclara-t-il sur un ton de défi.
« Comment cela est-ce possible ? » dit l'Ogre Glouton.
« On s'est rencontré un jour où Terry venait récolter de la sève pour faire du sirop. Il était prêt du ponton lorsque je l'ai aperçu » répondit Régis.
« Il a sursauté si fort qu'il a failli tomber dans le glaçage. Il criait qu'il ne savait pas nager : je ne pouvais pas le laisser comme ça ».
« Il m'a sauvé la vie ce jour-là. Nous nous sommes revus et nous avons appris à devenir amis. Nous sommes pareils. Tout ce qu'on a entendu sur les berlingotins est faux » dit-il en s'adressant à ses compagnons.
« On avait quand même peur de quelque chose » reprit Terry.
« Si l'Ogre Gourmand et l'Ogre Glouton apprenaient qu'un berlingotin et un réglissien étaient amis, ils seraient très fâchés car ils nous avaient toujours interdit de nous voir ».
Tout le monde écoutait : personne ne pensait plus à interrompre les deux amis. Blinda s'était rapprochée d'Anaïs et celle-ci avait pris sa main. Des oiseaux chantaient au-dessus de la vallée des réglisses, noire et sombre.
« Les choses ont changé la semaine dernière. Vous vous êtes aperçu qu'il n'y aurait pas assez de farine pour faire votre gâteau d'anniversaire » dit Régis en s'adressant à l'Ogre Glouton.
« C'est vrai, mais je ne comprends pas très bien le lien avec toute cette histoire ».
« Vous m'avez aussi dit que votre frère en aurait sûrement beaucoup pour faire le sien, qu'il avait toujours tout en plus gros et en mieux que vous. Vous m'avez dit également qu'il vous manquait, même si c'était une grosse guimauve, et que cela vous rendait triste de fêter votre anniversaire seul » reprit le réglissien.
« Je n'ai jamais dit ça « grommela l'Ogre Glouton.
« Cela m'a donné une idée. J'ai envoyé un message à Terry pour lui proposer quelque chose » continua Régis sans faire attention à l'Ogre Glouton.
« J'ai rejoint Régis auprès du ponton : c'est là qu'il m'a expliqué son idée. Je l'ai trouvé géniale ! Il fallait qu'on essaie de la mettre en place » enchaîna Terry.
« Et quelle était cette idée ?» demanda Anaïs qui se passionnait pour l'histoire des deux amis.
« Et bien Régis m'a parlé de la farine qui ne serait pas suffisante pour faire le gâteau d'anniversaire de l'Ogre Glouton et aussi de la tristesse qu'il éprouvait à être seul. J'ai dit à Régis que l'Ogre Gourmand était triste aussi. C'est Blinda qui me l'a dit. La veille de son anniversaire, il regarde des albums photos de son frère et lui ».
« Je ne vous dirais plus rien Blinda ! » dit l'Ogre Gourmand en se renfrognant davantage.
« Chut, chut, laissez Terry et Régis finir leur histoire » dit Anaïs.
Blinda rit en silence : les deux ogres avaient la mine boudeuse alors que la petite fille sautait presque d'excitation à l'écoute du récit des deux amis.
« Étant donné que les deux ogres étaient tristes d'être tout seuls pour leur anniversaire, nous avons décidé de mettre en place un plan génial pour les réunir lors de cette grande occasion » dit Régis.
« Un plan simple mais efficace ».
« Terry devait cacher toutes les réserves de farine de l'Ogre Gourmand. Terry préviendrait alors les autres berlingotins qu'il n'y avait plus de farine. Il lancerait ensuite la rumeur que c'était l'Ogre Glouton qui était venu les voler. L'Ogre Gourmand en apprenant cela aurait été obligé d'aller voir son frère pour lui réclamer la farine ».
« J'ai su que notre idée marcherait lorsque Anaïs est arrivée sur l'île. Cela ne pouvait pas être un hasard : nous avions tous entendu parler de cette petite fille qui réalise plein de miracles et de bonnes actions dans notre monde. Si l’Étoile du Soir nous l'avait envoyée, cela avait sûrement un lien avec notre envie de réunir les deux ogres » dit Terry.
« C'est incroyable ! » dit Anaïs.
Les deux ogres ne semblaient pas de son avis : ils se tenaient l'un en face de l'autre, les mains sur les hanches, les sourcils froncés. Tout le monde les observait, attendant que quelqu'un prenne enfin la parole.
« Ogre Gourmand, Ogre Glouton, vous pensez être différents, avoir des envies opposées, mais vous vous ressemblez bien plus que vous ne le pensez, vous souhaitez faire le bien autour de vous, rendre les enfants heureux avec des bonbons et des gâteaux. Les berlingotins et les réglissiens ont prouvé qu'ils pouvaient être amis. Ils vous aiment et vous aussi, vous vous aimez. Il est temps de faire la paix ! » dit la petite fille avec passion.
« Mon frère n'aime que lui, il voulait garder l'île et ses ingrédients rien que pour lui ».
« C'est faux ! C'est toi qui a décidé de faire venir les berlingotins : nous étions heureux tous les deux, mais tu n'as plus eu besoin de moi. Alors je suis parti et j'ai fait venir les réglissiens pour ne pas être seul ! » s'exclama l'Ogre Glouton.
« C'est ce que tu penses vraiment ? Tu crois que je voulais que les berlingotins te remplacent ? »
« Oui ! Et puis tu es toujours si positif, si rêveur, moi je suis moins rigolo : les berlingotins sont comme toi, colorés et joyeux. Je suis parti parce que je ne trouvais plus ma place ».
« Glouton, je suis désolé si tu as pensé cela. Je voulais que nous inventions un monde qui nous ressemble à tous les deux. Quand tu es parti, tu ne voulais plus me parler. Tu n'as répondu à aucune de mes invitations ».
« Je boudais. Et quand je boude, cela dure longtemps. Je suis désolé moi aussi, je n'ai pas voulu écouter ce que tu avais à me dire ».
L'Ogre Glouton franchit le ponton et ouvrit grands les bras. Son frère lui rendit son câlin. De grosses larmes coulaient maintenant sur les réglissiens, les berlingotins et Anaïs. Blinda pleurait aussi. Régis et Terry se tenaient par les épaules. Anaïs était très émue. Les berlingotins et les réglissiens se mélangèrent alors, se serrant la main ou se prenant dans les bras. La guerre était finie : le temps de la joie, des retrouvailles et de l'amour était venu !
« Mes amis, nous avons deux anniversaires à organiser ! Ogre Gourmand, Ogre Glouton, allez discuter, rattrapez donc le temps perdu. Nous autres berlingotins et réglissiens avons beaucoup de travail » dit Blinda.
« Viens mon frère, je vais te faire visiter la vallée des réglisses » dit l'Ogre Glouton.
L'un après l'autre, ils traversèrent le ponton et partirent bras dessus bras dessous vers le royaume de l'Ogre Glouton. Tous les autres se réunirent autour de Blinda.
« Où allons organiser la fête » demanda Régis.
« Pourquoi pas ici ? C'est là que se mélangent les deux univers de Glouton et Gourmand » répondit Anaïs.
« Très bonne idée » approuva Terry.
Tout le monde se retrouva avec une tâche à effectuer pour organiser le plus bel anniversaire que les deux ogres n'aient jamais vu ! Terry alla chercher la farine qui, finalement n'avait pas disparu : il avait laissé les réserves dans la grange,car en réalité il y en avait trop à cacher et personne n'était aller vérifier qu'elles avaient bien disparu.
« Quel malin tu fais » lui dit Blinda.
Régis fut chargé de confectionner le gâteau au chocolat de l'Ogre Gourmand avec quelques berlingotins et quelques réglissiens alors que Terry avait la responsabilité de préparer le gâteau à la fraise de l'Ogre Glouton. Certains berlingotins devaient amener d'immenses bougies pour décorer les gâteaux, d'autres devaient préparer des friandises : guimauves au chocolat, langues de chat, noisettes enrobées de chocolat, caramels, etc. Les ateliers des deux côtés de l'île chauffaient, laissaient de bonnes odeurs emplir l'air. Près du ponton, d'autres personnes s'activaient : on installait des tables, des chaises, des canapés et des fauteuils confortables. La fête devait être parfaite ! Blinda et Anaïs vérifiaient que tout se passait bien, que tout serait prêt dans les temps. La petite fille voulait aussi se rendre utile et offrir un petit cadeau aux deux frères. Elle avait organisé un petit orchestre avec des réglissiens et des berlingotins : ils reprenaient en chœur, « joyeux anniversaire » dans toutes les langues qu'ils connaissaient. Ils étaient accompagnés par des personnes qui jouaient de la harpe, du banjo, de la mandoline, du pipeau. Anaïs s'était improvisée cheffe de chœur mais n'oubliait pas de chanter de toute son âme. Lorsque les gâteaux furent cuits, on les amena au centre de la place qui avait été improvisée près du ponton. Ils faisaient chacun 1000 kilos. La vallée des réglisses était plus belle que jamais, l'Île sucrée de Chocolata resplendissait. On aurait dit que toutes les couleurs du monde étaient réunies au même endroit. La terre trembla soudain, signe que les deux ogres revenaient vers le ponton. Quelques réglissiens se précipitèrent vers eux pour leur bander les yeux. On installa les deux ogres dans des immenses fauteuils dorés. Les gâteaux qui avaient été posés sur des chariots immenses furent placés devant chacun des ogres. Des bougies immenses et nombreuses, près de 500, décoraient les gâteaux.
« Ogre Gourmand, Ogre Glouton, nous sommes fiers de fêter vos anniversaires avec vous ! » dit Blinda.
Les deux ogres enlevèrent leur bandeau : ils furent émerveillés ! Tout était magnifique : des paillettes voletaient dans le ciel, des lampions éclairaient la nuit. Les berlingotins et les réglissiens s'étaient vêtus de leurs plus beaux habits : les berlingotins étaient très colorés, ils ressemblaient à de vrais bonbons, les réglissiens étaient très classes avec des nœuds papillon en réglisse.
« Quelle merveille ! » dit l'Ogre Glouton.
Une musique s'éleva alors : le petit orchestre monté par Anaïs avait commencé à jouer et à chanter, la petite fille aux commandes. La chanson fut reprise par toutes les personnes présentes :
« Joyeux Anniversaire, Joyeux Anniversaire, Joyeux Anniversaire, Joyeux Anniversaire ».
Les deux frères avaient les larmes aux yeux. Il y a très longtemps qu'ils ne s'étaient pas sentis aussi heureux. La chanson terminée, un tonnerre d'applaudissements vint résonner partout dans l'île. Dans un même mouvement, les deux ogres se levèrent et soufflèrent leurs gâteaux d'anniversaires. On mangea avec appétit les gâteaux et les friandises. On rit de bon cœur. Les deux frères ne se quittaient plus : ils ne voulaient plus jamais être séparés. Grâce à Anaïs, à Terry et à Régis, à Blinda et au courage de l'Ogre Gourmand et de l'Ogre Glouton, on passa la plus belle soirée d'anniversaire qui avait jamais été organisée sur l'Île sucrée de Chocolata. Il fut temps pour Anaïs de dire adieu à ses amis. Ils allaient beaucoup lui manquer.
« Anaïs, merci du fond du cœur. Blinda avait raison : l’Étoile du Soir ne se trompe jamais » dit l'Ogre Gourmand.
« Je ne vous oublierai jamais » répondit Anaïs.
Les deux ogres prirent du sucre glace dans leur paume et soufflèrent dessus. Anaïs ferma les yeux et pendant un instant se sentit voler au-dessus des nuages. Lorsqu'elle ouvrit les yeux, elle était à nouveau chez elle, bien au chaud dans son lit douillet. Elle regarda autour d'elle et découvrit au bout de son lit un petit coffret : il contenait un fouet doré et un livre de recettes spécialement conçues sur l'Île sucrée de Chocolata. Son cœur explosa de joie et d'amour.
« Merci Étoile du Soir, merci pour cette si belle aventure ! »
FIN
Derniers commentaires
tu as un véritable talent... c'est tjs un vrai plaisir de te lire #unepetitegraine
Eleanor me fait penser à toi. J'imagine qu'elle va s'imposer dans le royaume en tant que femme de pouvoir. Quelle ne laissera personne lui dire ce qu'elle doit faire ou être. Bravo
Vivement la suite ! Forcément on s'attend à une belle histoire d'amour ou d'amitié pour Eleanor et Arthur.
Bravo ,a quand la suite le style est agréable
A bientôt http://lecercledesmots.simplesite.com/#